Il y a quelques jours, le Parlement canadien a voté à 266 contre 0 pour définir le traitement réservé par la Chine aux Ouïgours, une minorité ethnique en Chine, comme un « génocide ». Le premier ministre Justin Trudeau lui-même rejette l’étiquette, bien qu’il soit d’accord avec toutes les accusations qui se cachent derrière. La plupart des députés libéraux ont voté pour.
Ce vote essentiellement symbolique n’est que le dernier en date de la campagne menée par les États-Unis pour isoler la Chine – une campagne dans laquelle les libéraux de Trudeau ont joué un rôle non négligeable.
L’élite politique canadienne défend ses efforts comme étant nécessaires pour sauvegarder les droits de l’homme en Chine et pour faire respecter l’État de droit. En vérité, leurs actions trahissent un plan entaché d’hypocrisie et alimenté par des intérêts économiques.
Un régime maléfique
La tentative du Canada de diaboliser la Chine n’est pas nouvelle. Ces dernières années, un nombre croissant de chefs militaires, de responsables de la sécurité de l’État, de politiciens et de journalistes canadiens ont utilisé leurs plates-formes pour mettre en garde contre la montée en puissance de la Chine – sous les encouragements de leurs homologues américains.
Leurs raisons sont multiples. La Centre de la sécurité des télécommunications, une agence d’espionnage canadienne, accuse la Chine d’être une menace majeure en matière de cybersécurité, ainsi que d’avoir infiltré des universités canadiennes. Jonathan Vance, un ancien général de haut rang, a appelé à une « grande stratégie » pour lutter contre l’expansion territoriale chinoise. Les journalistes attaquent régulièrement le Parti communiste chinois (PCC) dans leurs éditoriaux, le qualifiant de « régime maléfique ».
Les libéraux de Trudeau se sont également mis de la partie. Les déclarations officielles dénoncent les violations des droits de la personne en Chine et sa « diplomatie coercitive ».
Ottawa y a également mis du muscle politique. En 2018, Trudeau a fièrement défendu la détention par le Canada de Meng Wanzhou, directrice financière de Huawei, à la demande du gouvernement américain – une position qu’il maintient encore aujourd’hui. En février, le Canada a dévoilé une déclaration de 58 pays contre la détention arbitraire, un document destiné à embarrasser la Chine.
Ces mesures pourraient bien n’être qu’un début, si l’establishment militaire et de sécurité des États-Unis et du Canada obtient ce qu’il veut.
Hypocrisie impérialiste
Ottawa soutient que de telles mesures sont nécessaires pour protéger à la fois les droits de la personne et l’État de droit en Chine. Mais peut-on leur faire confiance pour les défendre?
Commençons par les droits de la personne. Des journalistes soutiennent que les Ouïgours en Chine sont soumis à la stérilisation, à l’emprisonnement dans des camps de « rééducation » et à l’assimilation forcée à la majorité Han de Chine – un point de vue désormais partagé par le Parlement canadien. Cependant, ces conditions pourraient tout aussi bien décrire le système canadien de pensionnats – un système brutal de sévices et d’assimilation forcée de la population autochtone qui n’a pris fin qu’en 1996. On peut dire que le Canada a fait plus pour inspirer le système chinois que pour le démanteler.
La tolérance d’Ottawa à l’égard des violations des droits de la personne ne se limite pas au passé. Le Canada continue de fournir des armes à l’Arabie saoudite, malgré le bilan épouvantable de ce pays sur des questions comme les droits des femmes. Trudeau a maintenu des relations cordiales avec Aung San Suu Kyi, la dirigeante déchue du Myanmar, malgré un génocide bien documenté et sanctionné par l’État contre les musulmans rohingyas pendant son mandat.
Est-il possible que la Chine soit à ce point pire que ces régimes? Même dans ce cas, cela n’explique pas pourquoi le Canada est l’un des cinq premiers investisseurs étrangers dans la région chinoise du Xinjiang, l’emplacement même des camps de « rééducation » ouïgours de la Chine.
Le Canada ne fait pas mieux en ce qui concerne l’État de droit.
Trudeau a condamné la détention par la Chine de Michael Spavor et Michael Kovrig, tous deux citoyens canadiens, comme un acte de « diplomatie coercitive ». Mais là aussi, le Canada n’a pas de leçon à donner.
Depuis 2018, Meng Wenzhou est assignée à résidence à Vancouver, en attendant son extradition vers les États-Unis. Son crime? Avoir contrevenu aux sanctions américaines unilatérales contre l’Iran, une action qui ne serait pas considérée comme un crime dans la plupart des pays. Un exemple concret : Meng s’est rendue dans six pays ayant signé un traité d’extradition avec les États-Unis avant d’être détenue au Canada.
En vérité, le Canada et ses alliés ont eu recours à leur propre « diplomatie coercitive ». En juillet 2018, une réunion des agences d’espionnage alliées aux États-Unis a décidé de limiter la croissance mondiale de Huawei. La détention de Meng était donc probablement préméditée – non pas pour rendre justice, mais pour porter un coup à une nation ennemie.
L’ennemi est parmi nous
La campagne anti-Chine du Canada n’a pas grand chose à voir avec les droits de la personne ou l’État de droit. Quel est donc son objectif?
Ces dernières années, la Chine est devenue une grande puissance capitaliste. Les États-Unis, principal allié du Canada, sont entre-temps entrés dans une lente période de déclin. Ensemble, ces développements risquent de compromettre l’influence prépondérante dont jouit l’impérialisme américain sur la scène mondiale depuis 1945.
Le président américain Joe Biden a poursuivi le combat de Trump contre la Chine, à une différence près : Joe Biden, un « multilatéraliste », a entraîné ses alliés dans la campagne. Toutefois, les objectifs fondamentaux restent les mêmes : contenir la montée en puissance de la Chine et garantir la suprématie des États-Unis. Pour ce faire, les États-Unis et leurs alliés doivent exagérer les exactions de la Chine, tout en minimisant les leurs.
Dans les années à venir, l’élite canadienne va alimenter les inquiétudes à l’égard de la Chine pour détourner l’attention des problèmes intérieurs, comme elle l’a fait avec l’Union soviétique avant elle. Les marxistes au Canada devraient exposer ses manœuvres, tout en dirigeant la colère des gens vers leur véritable ennemi à Ottawa.
Ce faisant, les marxistes doivent également s’opposer aux mesures punitives prises par le Canada à l’encontre de la Chine, notamment la détention de Meng Wanzhou. Ignorer cela revient à amplifier l’hystérie de la « peur rouge », tout en semant la méfiance au sein de la population chinoise.
Toutefois, cela ne signifie pas qu’il faut soutenir le PCC. Le régime chinois a sa propre liste de crimes contre les minorités ethniques et les travailleurs. Les marxistes qui ignorent cet acte ne le font pas dans l’intérêt des opprimés chinois, mais dans l’intérêt du PCC capitaliste. La tâche de rectifier les torts du PCC incombe uniquement à la classe ouvrière chinoise, à laquelle les marxistes du Canada doivent apporter tout leur soutien.
L’ attitude anti-Chine du Canada est hypocrite et poursuit des objectifs cyniques. Ottawa espère plaire à ses amis à Washington, tout en orientant la colère des Canadiens vers Beijing.
Les travailleurs canadiens ne devraient pas tomber dans le piège.