Depuis le 7 décembre et la destitution par le congrès du président péruvien, Pedro Castillo, les travailleurs et les paysans se mobilisent en nombre toujours plus grand. Dans certaines régions du pays, cela a pris des proportions insurrectionnelles. Les masses ont clairement perçu qu’il s’agissait d’un coup d’État, derrière lequel se trouvait la main de l’oligarchie capitaliste et de l’impérialisme américain. Nous publions ci-dessous le texte d’un tract qui est diffusé en ce moment même par nos camarades de la Tendance marxiste internationale (TMI) au Pérou.
Chaque heure et chaque jour écoulé voit grandir la résistance au coup d’État de l’oligarchie et du congrès, à travers tout le Pérou. Les régions les plus appauvries du nord au sud se sont insurgées contre les putschistes, contre le parlement, pour réclamer de nouvelles élections.
L’oligarchie, l’Organisation des États Américains (OEA) et la droite parlementaire se sont trompées dans leurs calculs. Elles pensaient que le comportement de Pedro Castillo avait démoralisé sa base de soutien au point qu’elles pourraient le renverser sans risques. Au lieu de cela, elles doivent faire face à une mobilisation d’ampleur nationale, qui trouve son point culminant dans certaines zones, comme à Andahuaylas dans la région d’Apurímac. La population a déclenché une grève générale et s’y est proclamée en état d’insurrection.
Dans la capitale, Lima, les mobilisations n’ont pas encore atteint les proportions qu’elles avaient prises lors du renversement de Vizcarra en 2020. C’est compréhensible. Les masses de petits-bourgeois qui avaient alors pris part au mouvement, ne sont pas encore entrées dans la lutte aujourd’hui. Les étudiants et les habitants des quartiers ouvriers des faubourgs de la capitale se sont néanmoins mobilisés – même s’ils manquent pour l’instant d’organisation et de force. Cela peut changer. L’arrivée des cortèges de la province pour la mobilisation nationale du 15 décembre peut secouer les masses de Lima et les tirer de leur passivité.
Pour l’instant, neuf régions ont rejoint la lutte. À Apurímac, les organisations sociales ont déclaré une « insurrection populaire ». Dans la province d’Andahuaylas, l’insurrection a été confrontée à la répression et a répliqué en prenant des policiers en otage.
Le 10 décembre, une assemblée nationale extraordinaire des Fronts de défense et des Organisations sociales du Pérou, forte de près de 200 délégués, a approuvé les revendications suivantes : la libération de Castillo, la fermeture du congrès et la convocation d’une assemblée constituante. Elle a aussi appelé à une grève nationale le 15 décembre.
L’assemblée de la Fédération des Étudiants du Pérou a accepté d’appeler à une grève étudiante et à des manifestations étudiantes le même jour. Le syndicat enseignant FENATEPERU a lancé un appel identique. À Junin, un Comité régional unitaire de lutte a appelé à des mobilisations de masse à partir du lundi 12 décembre. Le Front rural et agraire du Pérou a appelé à une grève illimitée à partir du 13 décembre et a lancé un appel à rejoindre les mobilisations du 15 décembre.
Le peuple répond à ces appels et la journée du 15 décembre devrait être un point de convergence pour les luttes des masses. La lutte ne fait que commencer.
Les mots d’ordre
Jusqu’à présent, les mobilisations se sont concentrées sur la revendication de la fermeture du congrès corrompu et comploteur, sur la destitution de l’illégitime nouvelle présidente, sur la libération de Castillo, sur de nouvelles élections et la convocation d’une assemblée constituante.
Ces slogans sont corrects. Ils représentent un coup porté au putsch et aux institutions contrôlées par l’oligarchie péruvienne : le congrès et la constitution fujimoriste [mise en place sous la dictature de Fujimori]. Le point le plus important est que ces revendications posent la question du pouvoir ainsi que la nécessité de mettre en place de nouvelles institutions pour les mener à bien. Comment pourrait-on faire confiance aux institutions bourgeoises actuelles pour chasser les putschistes ? Qui peut donc accomplir ces tâches ?
Les seuls capables de mettre ces mots d’ordre en pratique sont les travailleurs, organisés dans une assemblée nationale unitaire représentant toutes les forces de la lutte.
La question qui doit être posée est : « qui dirige le pays ? » Est-ce que ce sera la volonté démocratique de la majorité du peuple ? Ou la confédération patronale CONFIEP, l’ambassade des États-Unis et les multinationales minières ?
Nous tenons à prévenir le mouvement : même une nouvelle constitution ne réglera pas les problèmes des ouvriers et des paysans, tant que le pouvoir économique restera entre les mains d’une poignée d’oligarques capitalistes. L’Equateur et la Bolivie se sont ainsi récemment tous deux dotés de nouvelles constitutions, mais le pouvoir de la classe dirigeante est resté intact.
Une assemblée révolutionnaire nationale de représentants élus doit prendre la tête de cette lutte. Pour vaincre, le mouvement doit affaiblir ses principaux ennemis : l’oligarchie capitaliste péruvienne et l’impérialisme américain. Ce sont eux qui tiennent les députés sous leur contrôle, ce sont eux qui financent les mensonges des médias, ce sont eux qui paient des voyous pour assassiner des dirigeants paysans.
Pour frapper l’oligarchie et l’impérialisme, il faut leur arracher le contrôle de leurs outils économiques. Il ne s’agit que d’une petite minorité, dépendante de son argent et de sa puissance économique (les usines, les banques, les mines, la terre, les médias, etc). Si tout cela lui est arraché, si les travailleurs prennent le contrôle de ces entreprises, des banques et des institutions médiatiques, le pouvoir de la classe dirigeante sera brisé.
Une assemblée générale représentant tous ceux qui participent à la lutte peut et doit organiser un nouveau pouvoir. En renversant les institutions en place, la classe ouvrière organisée pourra mener à bien l’adoption d’une nouvelle constitution qui reflète les aspirations des masses ouvrières et paysannes.
Un appel aux forces des ouvriers et des paysans révolutionnaires
L’unité d’action la plus large est nécessaire pour abattre l’oligarchie détestée et le congrès corrompu et usurpateur. Ce 15 décembre doit marquer le début d’une offensive des travailleurs, des paysans et de la jeunesse. Dans le sillage de la grève générale et des barrages routiers, il faut convoquer une assemblée révolutionnaire pour permettre au mouvement de continuer à avancer.
Nous devons continuer à étendre la lutte dans tous les recoins du pays. Dans les régions où l’organisation populaire est puissante, il faut prendre le contrôle des médias pour tenir la communauté informée des événements, désarmer la police pour enrayer la répression et lancer un appel aux soldats du rang pour qu’ils rejoignent la lutte.
Le 15 décembre doit être suivi de nouveaux jours de lutte, avec la fermeture des banques et des grandes entreprises, et l’occupation des routes et des centres commerciaux. La lutte doit s’intensifier. Si nous sommes organisés et déterminés, nous pourrons repousser la répression.
Pas un pas en arrière tant que nous n’aurons pas renversé le congrès corrompu, les putschistes et l’oligarchie capitaliste réactionnaire.
- Construisons des comités de lutte et des Assemblées populaires !
- Que les travailleurs décident et pas l’oligarchie !
- Dispersons le congrès bourgeois et parasitaire !
- Chassons les putschistes !
- Liberté pour Castillo ! Des élections maintenant !
- Pour une Assemblée Nationale Révolutionnaire des ouvriers et des paysans !
- Exproprions l’oligarchie capitaliste et les multinationales !