Il s’avère que le plus grand drame de l’été n’est pas Barbie ou Oppenheimer, mais la lutte syndicale qui se déroule à Hollywood. Il s’agit d’une alliance entre des scénaristes et des acteurs partant au front contre un super-vilain aussi méchant que dans n’importe quel film d’action : les grands studios et les services de diffusion en continu, notamment Disney, Netflix et Amazon.
Le 13 juillet, la Screen Actors Guild-American Federation of Television and Radio Artists (SAG-AFTRA), le syndicat représentant 160 000 acteurs, a lancé un appel à la grève. Ils rejoignent la Writers Guild of America (WGA), qui fait grève depuis le 2 mai, intensifiant ainsi la lutte contre les producteurs, les studios et les diffuseurs représentés par l’Alliance of Motion Picture and Television Producers (AMPTP). Les scénaristes et les acteurs partagent un grand nombre de revendications : des salaires qui suivent l’inflation, une augmentation des paiements résiduels pour la diffusion en continu et des protections contre l’intelligence artificielle (IA).
La grève aura un impact énorme et frappera durement les patrons. Le cinéma et la télévision américains représentent une industrie de 134 milliards de dollars. La production a déjà été gravement touchée par les piquets de grève de la WGA, qui ont interrompu 80% des tournages à Los Angeles. Elle est maintenant stoppée net partout, y compris à l’échelle internationale. Non seulement les tournages ont été interrompus, mais les acteurs ne feront pas la promotion des films : pas de tapis rouge, pas d’Emmy Awards, pas de Comic Con de San Diego. Le Los Angeles Times prévient que cette double grève « changera à jamais » l’industrie.
Dans son discours lors de la conférence de presse annonçant la grève, la présidente de SAG-AFTRA, Fran Drescher (vedette de The Nanny), a souligné la gravité de la décision du syndicat : « Il s’agit d’une décision très sérieuse qui a un impact sur des milliers, voire des millions, de personnes dans tout le pays et dans le monde entier, non seulement des membres de ce syndicat, mais aussi des personnes qui travaillent dans d’autres secteurs d’activité. » Mais Drescher estime que le danger de ne pas faire grève est pire. « Si nous ne faisons pas front maintenant, nous aurons tous des problèmes. Nous risquons tous d’être remplacés par des machines et des grandes entreprises qui se soucient davantage de Wall Street que de vous et de votre famille. La plupart des Américains ne disposent pas de plus de 500 dollars en cas d’urgence. C’est une très grosse affaire, et elle pèse très lourd sur nous. Mais à un moment donné, il faut savoir dire : “Non, nous n’allons plus accepter cela”. »
L’industrie du cinéma et de la télévision a été tellement bouleversée par la pandémie, la diffusion en continu et l’intelligence artificielle que les acteurs et les scénaristes d’Hollywood se demandent comment ils vont pouvoir survivre. Ils mènent un combat existentiel, alors que l’inflation et la crise générale du capitalisme s’abattent sur les travailleurs du monde entier. Leur lutte est un exemple dramatique du combat que doivent mener les travailleurs partout.
Des « élites hollywoodiennes »?
Depuis des semaines, des vedettes, de Margot Robbie à Harrison Ford, sont interpellées par des journalistes sur le tapis rouge et invitées à donner leur avis sur la grève imminente. Ce genre de couverture donne à certains l’idée que la grève des acteurs n’est qu’un affrontement entre millionnaires.
Mais la vérité est que la grande, très grande majorité des acteurs de la SAG-AFTRA sont loin d’avoir un niveau de richesse digne d’une vedette hollywoodienne. En fait, ils font grève précisément pour s’assurer un niveau de vie sur lequel ils peuvent compter.
Dans le cinéma et la télévision, le travail est éphémère, irrégulier et, pour la plupart, mal payé. L’inflation ronge les salaires de base, comme partout, et la prolifération de la diffusion en continu par rapport à la télévision signifie que les acteurs ont des contrats plus courts, avec des intervalles plus longs entre les saisons. Quatre-vingt-sept pour cent des acteurs de la SAG-AFTRA ne gagnent pas les 26 000 dollars par an nécessaires pour bénéficier d’une assurance maladie.
Même le fait de décrocher un rôle régulier dans une série n’est pas un gage de stabilité.
Dans une vidéo TikTok sur les salaires à la télévision, l’acteur de Ugly Betty David Blue a déclaré : « Je connais de nombreux acteurs réguliers de séries, des premiers rôles de séries, qui ont récemment dû retourner vivre chez leurs parents parce qu’ils ne pouvaient tout simplement pas payer leur loyer. »
Luke Cook (The Chilling Adventures of Sabrina) a deux emplois à côté de son métier d’acteur et estime que « 95% des acteurs du SAG ne peuvent pas vivre de leur métier d’acteur. Ils doivent avoir des activités annexes ».
Curt Mega a parlé de son expérience en tant qu’acteur récurrent dans la série Glee. « Nous gagnons, si l’on fait la moyenne, le salaire minimum », a-t-il déclaré. « La seule chose que nous avions, la seule chose, c’était des revenus résiduels. Et devinez quoi? Glee est maintenant sur Disney+. Je ne reçois plus d’argent de cette émission. Ou si j’en reçois, c’est deux cents. »
Les droits résiduels sont des paiements que les acteurs (et les scénaristes) reçoivent lorsque leurs émissions ou leurs films sont rediffusés à la télévision. Il s’agit d’une concession arrachée aux studios la dernière fois que les acteurs et les scénaristes ont fait grève ensemble, en 1960. Les paiements résiduels empêchaient les diffuseurs de remplir entièrement leur temps d’antenne avec des rediffusions bon marché en leur imposant un prix, et contribuaient à maintenir les acteurs à flot entre deux emplois. La grève de 1980 de la SAG était également une lutte pour les droits résiduels, cette fois en relation avec une nouvelle technologie excitante appelée la vidéocassette.
Toutefois, lorsque la diffusion en continu a fait son apparition, les syndicats du secteur du divertissement ont mis du temps à réagir et à se battre pour obtenir de bons contrats qui couvrent les nouveaux médias. Les droits résiduels ne signifiaient rien dans un média où les « rediffusions » n’existaient pas vraiment.
L’autre impact de Netflix a été le précédent qu’il a créé en rémunérant ses vedettes sur la base d’un barème (c’est-à-dire le taux minimum de la SAG-AFTRA).
Les acteurs de la série phare de Netflix, Orange is the New Black, n’ont pas caché le peu qu’ils retiraient de la série qui a fait connaître le diffuseur. Matt McGorry a déclaré : « J’ai gardé mon emploi de jour pendant toute la durée de la série parce qu’il payait mieux que la série à succès dans laquelle nous jouions. » Lori Tan Chinn, qui a participé à six saisons, a déclaré qu’elle ne pouvait pas se payer le coffret de la série et qu’elle avait envisagé de demander des bons alimentaires.
À ses débuts, Netflix justifiait ses salaires au bas de l’échelle par le fait qu’il s’agissait d’un nouveau venu défavorisé qui tentait de percer avec un média expérimental. Mais cette excuse ne tient plus lorsque l’expérimentation devient une sensation mondiale comme Orange is the New Black. En réalité, les capitalistes profitent de l’occasion pour reprendre les avancées que les travailleurs ont obtenues par le passé, en l’occurrence les droits résiduels. Il s’agit d’une situation à laquelle tous les travailleurs doivent faire face alors que les patrons tentent de tirer des profits d’un système en crise.
De l’intelligence artificielle aux acteurs artificiels
Alors que l’explosion du coût de la vie et l’évaporation des revenus résiduels rendent le métier d’acteur de plus en plus précaire, l’IA et les technologies connexes le menacent d’une disparition pure et simple.
Avec un programme d’IA qui a remplacé la voix de James Earl Jones, 91 ans, dans la série Obi-Wan Kenobi de l’année dernière, et de nombreux acteurs décédés qui ont fait une apparition en images de synthèse dans le film The Flash de cette année, l’IA joue un rôle de plus en plus important dans la production cinématographique. Cette évolution suscite l’inquiétude des artistes humains, qui craignent de devoir rivaliser avec les machines, voire d’être rendus obsolètes.
Lors de la conférence de presse de la SAG-AFTRA, Duncan Crabtree-Ireland, directeur des opérations et conseiller général du syndicat, a lâché une bombe en transmettant la proposition de l’AMPTP en matière d’IA : « Elle veut que les acteurs figurants puissent être scannés, être payés pour une journée, et le studio deviendrait propriétaire de ce scan, de leur image, de leur apparence, et pourrait l’utiliser pour le reste de l’éternité, pour n’importe quel projet, sans consentement et sans rémunération. »
Une vague d’indignation s’est immédiatement propagée dans l’industrie.
L’actrice Justine Bateman, qui était consultante en IA pour la SAG-AFTRA pendant les négociations, a ajouté sur Twitter : « L’AMPTP voulait non seulement posséder à tout jamais l’image spécifique des figurants, mais aussi alimenter 100 ANS DE JEU D’ACTEURS (pour une somme symbolique) afin d’entraîner les IAG [intelligences artificielles génératives]. Ainsi, tout notre travail pourrait être transformé en « nouveaux » personnages IA. Sans AUCUN consentement de la part des acteurs. »
Depuis le début de la révolution industrielle, l’automatisation – qui, dans un système rationnel, devrait faciliter la tâche des travailleurs – a jeté les ouvriers qualifiés à la rue et fait baisser les salaires. Les professions créatives semblaient à l’abri de la menace de l’automatisation jusqu’à l’explosion récente de l’IA générative. La capacité de l’IA à générer un jeu d’acteur convaincant est une prouesse technologique qui ouvre un potentiel créatif illimité. Dans le cadre du capitalisme, cependant, les possibilités sont purement dystopiques.
Les acteurs sont en grève pour de nombreuses autres raisons, mais les protections contre l’IA, les augmentations de salaire et les paiements résiduels en sont des éléments clés. Ce sont également des revendications que les acteurs partagent avec les scénaristes en grève. La lutte de la SAG-AFTRA contre l’AMPTP n’est pas isolée, et elle n’a pas commencé le 14 juillet, mais le 2 mai, avec la WGA.
La grève des scénaristes : une histoire de solidarité
Parmi les trois principales guildes hollywoodiennes qui négocient leurs contrats cette année – la WGA, la Director’s Guild of America (DGA) et la SAG-AFTRA –, les scénaristes ont été les premiers à négocier.
Leur grève n’a pas été une surprise. La WGA a l’habitude d’être la plus combative des trois guildes, sa grève la plus récente remontant à 2007-2008, et l’AMPTP faisait obstruction à ses demandes. La stratégie des producteurs semblait être de provoquer une grève des scénaristes, dans l’espoir que ceux-ci restent isolés. Mais il s’est passé quelque chose sur lequel l’AMPTP ne comptait pas : la solidarité.
L’International Alliance of Theatrical Stage Employees (IATSE), qui représente les membres des équipes de tournage, et la section locale 399 des Teamsters, ont refusé de franchir les piquets de grève de la WGA, ce qui a entraîné l’arrêt des tournages à Los Angeles et à New York.
Le degré de solidarité était très différent de celui de la dernière grève. Le directeur de série Mike Schiff a déclaré au Hollywood Reporter : « En 2007, j’ai pensé qu’il y avait peut-être un peu de ressentiment […] J’ai certainement eu l’impression que les gens se disaient, attendez, nous voulions travailler, qu’est-ce que vous faites? »
Un autre directeur de série a déclaré : « C’est un million de pour cent différent de la dernière fois. » Cette solidarité palpable repose sur une lutte partagée contre un ennemi commun. « Ils se font tous diversement arnaquer par ces entreprises et savent que la seule façon de gagner est de se serrer les coudes. »
Le chef de grève de la WGA East, David Simon, a attribué à l’IATSE et aux Teamsters la réussite des piquets de grève et a expliqué : « Tout est parti de la base jusqu’à la direction des guildes. Je ne pense pas que les gens savaient à quel point tout le monde était en colère jusqu’à ce qu’ils commencent à échanger leurs expériences. C’est ce qui nous motive. »
En l’espace d’un mois, tous les tournages en extérieur à Los Angeles ont été interrompus et les dirigeants des studios ont admis, sous le couvert de l’anonymat, que les tactiques des scénaristes étaient « efficaces ».
Malheureusement, les dirigeants de la DGA et de la SAG-AFTRA n’ont pas fait preuve du même niveau de solidarité. S’ils ont encouragé leurs membres à se rendre sur les piquets de grève, ils leur ont également rappelé d’honorer leurs contrats et de continuer à tourner.
Fran Drescher – qui, à son crédit, adopte désormais une ligne beaucoup plus combative – a été critiquée en mai pour avoir déclaré qu’elle ne croyait pas que ce qui était « important pour les scénaristes […] était le genre de choses que nous [SAG] cherchions à obtenir ». Elle est rapidement revenue sur ces propos, même si, dans une autre interview, elle semblait plus préoccupée par l’impact de la grève sur une éventuelle relance de The Nanny que par sa juste résolution.
La DGA plie et la WGA tient la ligne
Un coup dur a été porté à la lutte le 3 juin, lorsque la DGA a accepté une entente. L’accord a été présenté comme une « percée historique », bien que les augmentations salariales obtenues soient inférieures à l’inflation, que les droits résiduels basés sur l’audience n’aient pas été modifiés et que les membres craignent que l’accord n’aille pas assez loin en matière de protection contre l’IA.
Cette entente a été perçue comme une trahison par de nombreux scénaristes en raison de la tradition de négociation type à Hollywood, selon laquelle les conditions de l’entente avec la DGA sont généralement appliquées à la WGA et à la SAG-AFTRA. La grève de 2007-2008 s’est finalement terminée par l’acceptation par la WGA de conditions très similaires à celles fixées par les réalisateurs. Un double membre de la WGA-DGA a qualifié avec colère la DGA de « guilde de Vichy ».
La WGA s’était pourtant préparée à ce coup. La veille de l’expiration du contrat de la DGA, le co-président du comité de négociation de la WGA, Chris Keyser, a diffusé une vidéo aux membres leur assurant que l’AMPTP « découvrirait que [leur] recette de 2007-2008 n’a pas sa place dans une salle de négociation, mais dans un musée. Tout accord permettant de remettre cette ville au travail passe directement par la WGA, et il n’y a aucun moyen de nous contourner ».
La vidéo était un exemple de ce que la WGA fait très bien : la transparence, la communication et le maintien du moral. Plusieurs semaines après le début de la grève, le moral sur les piquets de grève était remarquable. Le scénariste Michael Schur a déclaré : « Ce qui nous permettra de garder le moral, c’est la transparence, la détermination, l’unité. »
Cette détermination est renforcée par le fait que les scénaristes comprennent que leur lutte fait partie de la lutte du mouvement ouvrier dans son ensemble. « Nous marchons pour le mouvement ouvrier et le mouvement ouvrier nous regarde », a déclaré Keyser dans son message. « Si nous réussissons, il sera plus facile, pas facile, mais plus facile, pour d’autres de réussir après nous. Si nous faiblissons, si nous échouons, si c’est le pouvoir des entreprises qui l’emporte et non le nôtre, alors nous aurons échoué pour tout le monde […] Et je ne vois pas cela comme un fardeau, mais comme une raison de se battre. »
Chacun comprenait qu’il s’agissait d’une lutte de longue haleine. Alors que de nombreux dirigeants syndicaux semblent désireux de mettre fin aux grèves le plus rapidement possible, la WGA a entamé sa grève en sachant qu’elle serait longue. Comme l’a déclaré Keyser, « la seule chose qui déterminera le succès ou l’échec de cette grève est notre endurance, tant physique qu’émotionnelle ». Ce sentiment de détermination imprègne les piquets de grève.
La SAG-AFTRA cède à la pression de la base
Une fois que la DGA a conclu un accord, l’AMPTP a entamé des négociations avec la SAG-AFTRA.
Avant d’entamer les négociations, le syndicat des acteurs a procédé à un vote d’autorisation de grève. Il a obtenu un résultat historique de 97,91% de votes favorables.
Cependant, à mesure que la date d’expiration du contrat, le 30 juin, se rapprochait, le syndicat n’a manifestement pas pris de mesures pour se préparer à une grève. Le 24 juin, Drescher et Crabtree-Ireland ont publié une vidéo disant « Nous avons des négociations extrêmement productives » [sic], signalant que SAG-AFTRA allait suivre la même voie que la DGA.
La vidéo a déclenché un tollé parmi la base. Et dans un syndicat d’acteurs hollywoodiens, certains d’entre eux font l’objet d’une grande attention.
Plus de 300 acteurs de premier plan, dont Meryl Streep et Jennifer Lawrence, ont signé une lettre ouverte qui a été publiée dans tous les journaux de l’industrie et qui exprime un manque de confiance flagrant dans les dirigeants syndicaux. « Nous sommes prêts à faire grève s’il le faut. Et nous sommes préoccupés par l’idée que les membres de SAG-AFTRA pourraient être prêts à faire des sacrifices alors que la direction ne l’est pas. »
Si les signataires de la lettre comptent parmi les plus grandes vedettes d’Hollywood, les questions soulevées comprennent celles qui constituent « un énorme problème pour les acteurs de la classe ouvrière », telles que l’inflation et la pratique de l’auto-enregistrement des auditions.
La lettre concluait : « Si vous n’êtes pas en mesure d’aller jusqu’au bout, nous vous demandons d’utiliser le pouvoir que nous vous avons donné, en tant que membres, et de rejoindre la WGA sur les piquets de grève. »
Dans les jours qui ont suivi, des centaines d’autres acteurs ont signé la lettre, y compris, curieusement, Fran Drescher elle-même.
La SAG-AFTRA possède une dynamique unique, dans laquelle les membres de la base peuvent avoir plus de pouvoir et d’influence que les dirigeants. Mais le processus qui se déroule en son sein n’est pas spécial. Les membres de la base peuvent pousser leurs dirigeants à être plus combatifs, et c’est ce qu’ils font. À mesure que la crise du capitalisme s’intensifie et que les luttes syndicales s’intensifient, c’est un phénomène que nous verrons de plus en plus souvent.
La lettre a eu son effet. La date limite du 30 juin est arrivée, et la SAG-AFTRA n’a ni fait grève ni plié. Elle a accepté de prolonger la convention jusqu’au 12 juillet.
La dynamique avait changé. Rapidement, la SAG-AFTRA a appelé des volontaires à devenir chefs de grève et a informé les publicistes et les avocats du spectacle de ce que leurs clients seraient ou ne seraient pas autorisés à faire en cas de grève.
Selon certaines sources, l’AMPTP se sentait frustrée par ce qu’elle appelait « l’intransigeance » d’une « minorité militante » au sein du syndicat. Elle a tenté de faire appel à un médiateur fédéral pour calmer le jeu.
Puis, à un jour de la date butoir, la publication spécialisée Deadline a publié un article citant des dirigeants de studio anonymes, révélant que leur « objectif final » pour la grève de la WGA « est de laisser les choses s’éterniser jusqu’à ce que les membres du syndicat commencent à perdre leurs appartements et leurs maisons ». L’article affirme ouvertement que « Warner Bros Discovery, Apple, Netflix, Amazon, Disney, Paramount et d’autres sont déterminés à “briser la WGA” ».
Les journaux d’industrie comme Deadline ne font généralement pas de journalisme d’enquête; ils publient des commandes. L’article était très certainement une manœuvre calculée de la part des studios pour intimider la SAG-AFTRA afin qu’elle accepte de conclure un accord. Et cela s’est retourné contre eux. L’article a eu l’effet d’une bombe incendiaire.
Les négociations sont rompues et lorsque Fran Drescher a pris la parole lors de la conférence de presse de la SAG-AFTRA, elle parlait bien différemment qu’en mai et en juin.
« Je suis choquée par la façon dont les gens avec lesquels nous avons travaillé nous traitent », a déclaré Drescher. « Je n’arrive pas à y croire […] Ils plaident la pauvreté, ils disent qu’ils perdent de l’argent à gauche et à droite, alors qu’ils donnent des centaines de millions de dollars à leurs PDG. C’est dégoûtant. » Et elle a poursuivi : « Alors, c’est fini, AMPTP […] Vous allez partager les richesses parce que vous ne pouvez pas exister sans nous. »
« Les gens finissent par enfoncer les portes de Versailles, et c’est fini », a ajouté Mme Drescher, en référence à la Révolution française. « Eh bien, c’est justement là où nous en sommes. »
La SAG-AFTRA a rejoint la WGA sur les piquets de grève le 14 juillet, entrant dans une lutte qui a été remarquable par l’enthousiasme, la détermination et la solidarité des travailleurs.
Un secteur en crise
L’article controversé de Deadline dit vrai sur un point : la lutte sera longue. Les entreprises se sentent autant sous pression que leurs travailleurs.
La COVID a fait des ravages dans les salles de cinéma et la diffusion en continu a complètement perturbé la télévision. Si la diffusion en continu semble avoir remporté la victoire sur ces médias plus traditionnels, elle n’a pas encore produit les niveaux de profits traditionnels. Les plateformes de diffusion en continu ont donc fait volte-face : elles sont passées de l’injection d’argent dans les émissions pour gagner des téléspectateurs à des coupes budgétaires dans une tentative désespérée d’augmenter les marges bénéficiaires et d’apaiser les investisseurs.
C’est dans cette optique que le PDG de Disney, Bob Iger, s’est plaint sur CNBC que « c’est le pire moment au monde pour ajouter à cette perturbation » et a déploré que les scénaristes et les acteurs ne soient « tout simplement pas réalistes ».
Ce n’est pas faute d’argent dans le secteur du divertissement, mais la question est de savoir où va cet argent. Les 45,9 millions de dollars de rémunération d’Iger permettraient à eux seuls de répondre en grande partie aux demandes des acteurs et des scénaristes.
La question est maintenant de savoir lequel des deux camps pourra survivre le plus longtemps. Les studios comme Paramount et Universal pourraient commencer à souffrir d’une sécheresse de contenu, mais les entreprises technologiques comme Apple et Amazon ont d’autres sources de revenus pour les soutenir.
Les acteurs et les scénaristes, quant à eux, ont l’habitude de rester des mois sans travailler dans leur domaine et ont la chance unique d’avoir des millionnaires qui contribuent à leur fonds de grève. Toutefois, la solidarité sera le facteur le plus fondamental de leur réussite. La WGA et la SAG-AFTRA doivent résister aux efforts inévitables de l’AMPTP pour les diviser, et négocier ensemble. Si un syndicat accepte un accord seul, il ne fera qu’affaiblir l’autre. C’est exactement la façon dont les dirigeants des studios utilisent la DGA, Iger implorant les scénaristes et les acteurs de suivre l’exemple des réalisateurs. Mais ensemble, ils auront plus de pouvoir que seuls.
La solidarité sous les feux de la rampe
Ce n’est pas seulement la solidarité entre les syndicats du divertissement qui a fait la force de cette lutte, mais la solidarité des travailleurs d’autres secteurs.
Les lignes de la WGA ont été renforcées par des travailleurs de toutes sortes de syndicats, y compris les United Teachers of Los Angeles et les National Nurses United. Les scénaristes et les acteurs ont bénéficié d’une grande sympathie de la part du grand public.
Ce n’est pas surprenant. Des salaires érodés par l’inflation, des gains passés repris par des patrons avides, la menace d’être éliminé par l’automatisation : autant de difficultés que les travailleurs du monde entier comprennent et contre lesquelles ils se battent.
Les grèves de la WGA et de la SAG-AFTRA se déroulent au milieu d’une vague de grèves à Los Angeles. Près de la moitié des grandes grèves américaines de cette année ont eu lieu en Californie.
Depuis le 2 juillet, environ 30 000 travailleurs de l’hôtellerie et de la restauration regroupés au sein de la section locale 11 de Unite Here sont en grève – la plus grande grève de travailleurs de l’hôtellerie de l’histoire des États-Unis. Les travailleurs de Unite Here et de la WGA se sont rendu mutuellement visite sur les piquets de grève.
« On n’imaginerait jamais qu’ils ont les mêmes problèmes que nous – ils viennent du cinéma », a déclaré Lili Hernandez, une femme de ménage du Fairmont Miramar. « Mais il s’avère que nous sommes dans le même bateau. Nous devons faire en sorte de ne pas sombrer. »
La WGA a également remercié les Teamster pour leur solidarité en soutenant le piquet de grève des livreurs à l’entrepôt Amazon de Santa Clarita. Les deux syndicats, apparemment si différents, se heurtent au même ennemi.
C’est ce contexte de lutte ouvrière plus large qui rend la grève d’Hollywood si importante. De par leur nature, les syndicats de scénaristes et d’acteurs sont sous les feux de la rampe comme aucun autre. La WGA et la SAG-AFTRA jouent actuellement un rôle de premier plan dans la lutte syndicale et donnent l’exemple à l’ensemble de la classe ouvrière.
Lorsque Fran Drescher a déclaré que « les yeux du monde, et en particulier ceux des travailleurs, sont braqués sur nous », elle avait raison.
Lorsque la WGA et la SAG-AFTRA font preuve de solidarité, de combativité et de détermination, c’est une leçon pour l’ensemble de la classe ouvrière. Quand elles portent un coup à Netflix, Disney et Amazon, c’est un coup pour l’ensemble de la classe ouvrière.
Victoire aux scénaristes!
Victoire aux acteurs!
Solidarité avec tous les travailleurs de l’industrie du divertissement!