En plus de toutes les questions politiques, économiques et sociales, La Riposte s’intéresse également aux questions culturelles et artistiques qui traversent la société. Nous publions ci-dessous le point de vue d’une camarade sur l’évolution de certaines idées dans l’industrie du cinéma.

 


Lutte des classes et idées dominantes

« On a tendance à considérer les idées dominantes d’une société donnée comme étant constantes et figées. La “nature humaine”, entend-on parfois, incite les gens à la passivité, à l’indifférence, à l’égoïsme, et ainsi de suite. Mais en réalité, la conscience humaine en général — et la conscience des classes exploitées en particulier — est une réalité extrêmement mobile. Dans certaines circonstances, elle peut changer brusquement et radicalement. Elle évolue en effet en suivant un processus dialectique, au cours duquel l’accumulation de changements mineurs et largement imperceptibles aboutit, à un moment donné, à des bouleversements soudains et explosifs.

« La pression sans relâche qui s’exerce actuellement sur les travailleurs est en train de provoquer de profondes modifications dans la psychologie du salariat. Bien sûr, on ne trouvera pratiquement aucune trace de ces changements dans les reportages télévisés ou dans les journaux des capitalistes. Mais ils ne s’en opèrent pas moins. L’époque des compromis mutuellement bénéfiques est terminée. Les choses ne sont plus comme avant, et la nouvelle réalité ébranle les points fixes dans la conscience de chacun. […] » écrivait Greg Oxley en 2004 dans l’article Les prémisses de la prochaine révolution française.

Bien que datant de 8 ans, ces lignes sont d’une actualité brûlante. Suivant cette analyse, il est intéressant d’observer l’évolution des idées véhiculées par la grande industrie du cinéma. Nous ne parlons pas ici du film à petit budget, du « film d’auteur » qui ne sortira jamais dans les grandes salles. Au contraire, intéressons-nous aux blockbusters qui, ces dernières années, ont été obligés de prendre un curieux virage politique, afin d’attirer les masses dans les petites salles obscures. Suivant l’éternelle logique consistant à réaliser toujours plus de profits, ces grandes entreprises n’ont vu que leur intérêt en produisant ces films qui, à première vue, semblent n’être que des films de science-fiction. Mais le discours sous-jacent est beaucoup plus intéressant.

Virage politique de certains blockbusters

Rappelez-vous de Bienvenue à Gattaca, sorti en avril 1998 : c’est l’histoire d’une société où la place de chaque individu est déterminée par son patrimoine génétique (les plus « parfaits » sont des ingénieurs et les autres des balayeurs). En gros, la lutte des classes est inscrite dans votre ADN, et vous n’avez aucun moyen d’échapper à votre condition.

Juin 1999, Matrix sort sur les grands écrans, dont le scénario se prête à plusieurs niveaux de lecture. Ce qu’il en ressort principalement, c’est que l’humanité peut courir à sa perte en faisant le choix de privilégier uniquement les conditions matérielles d’existence — le confort bourgeois individuel. Car les hommes y perdraient leur indépendance et leur liberté de conscience (les hommes ne sont plus dans la réalité, mais inconscients et dépendants de machines qui les maintiennent en vie). Dans la même veine,Equilibrium sort en juillet 2003. Là encore, il s’agit d’une société dictatoriale, où les progrès de la science ont permis l’invention d’une drogue — le prozium — permettant aux hommes de refouler leurs sentiments. L’humanité qui a survécu à un holocauste nucléaire adopte cette drogue en acceptant de perdre à la place son libre arbitre.

En avril 2006, c’est V pour Vendetta qui est présenté en salles. Adaptation d’une bande dessinée, ce film peut sembler léger au point de suivre la lignée des autres comics en tout genre (Batman, Superman et SpiderMan). Sauf que la BD est créée par deux Anglais en 1982, et qu’à cette époque la Grande-Bretagne faisait l’expérience de la Dame de Fer et de sa politique ultraconservatrice. L’histoire se déroule donc à Londres dans une société dystopique, où un combattant de la liberté se faisant appeler « V » cherche à mettre en place un changement radical de politique en menant une violente vendetta contre le gouvernement fasciste en place.

Enfin, dernièrement, Time Out, sorti en novembre 2011, décrit une société où le temps est la nouvelle unité monétaire mondiale, payant factures, péages, denrées alimentaires ou biens de consommation. On y voit Justin Timberlake, icône de la jeunesse actuelle, en train de travailler dans une usine, essayant de survivre tant bien que mal, et gagnant du temps pour vivre. Une journée de travail ne lui rapporte pas plus que le temps nécessaire pour pouvoir rentrer chez lui, dormir, et retourner travailler le lendemain.

Quels sont les points communs de ces 5 films ? Tout d’abord, ils décrivent par métaphore le système capitaliste, et les aberrations inhumaines auxquelles il pourrait s’adonner — sachant que sa réalité est déjà inhumaine avec le lot de souffrance universelle qu’il fait subir à une majorité de la population mondiale.

Tous les personnages principaux de ces films sont à la recherche de la justice, de l’égalité, et de la liberté. Et pour cela, ils se révoltent afin de défendre leurs idées, et pour leur mise en pratique. C’est un message révolutionnaire, et les valeurs défendues ici sont celles du socialisme.

Si les grandes productions cinématographiques s’orientent vers ce genre de films, parsemés de références plus ou moins ouvertes aux valeurs socialistes, ce n’est certainement pas par bonté d’âme et dans une volonté de les populariser. Il ne s’agit pour elles que d’attirer les masses afin de réaliser un maximum de profits. Et selon leur logique capitaliste, elles ne font que répondre à la demande.

Donc, dans une certaine mesure, l’orientation de ces blogbusters illustre les attentes des masses qui sont séduites par ce genre de films. Cela reflète, à un certain stade, leur niveau de conscience. Si les valeurs socialistes font résonnance, ne serait-ce que dans l’inconscient des masses, alors peut-être, plus tôt qu’on ne le croit, nous retrouverons ces aspirations dans la rue, en pleine lumière, à l’instar des salles obscures de cinéma.