Le 10 Downing Street change d’occupants plus vite qu’une chambre sur AirBnb. Son troisième résident en moins de trois mois – et le cinquième en un peu plus de six ans – a emménagé le 25 octobre. Sunak remplace l’infortunée Liz Truss, qui entre dans les livres d’histoire comme la première ministre britannique la plus éphémère, ayant été à la tête du pays pendant moins longtemps qu’il en faut à une laitue iceberg pour pourrir.
Gouvernement des riches
La classe dirigeante et les patrons vont pousser un soupir de soulagement. Après s’être encombrés pendant des années de bouffons égoïstes et peu fiables tels que Boris Johnson et Liz Truss, ils ont enfin trouvé leur homme.
Comme nous l’avons écrit lors de la victoire de Truss, le nouveau premier ministre hérite d’un calice empoisonné. En effet, grâce aux actions chaotiques de sa prédécesseure, le désordre est maintenant plusieurs ordres de grandeur plus grand que lorsqu’elle est entrée en fonction il y a à peine quelques semaines.
Après avoir provoqué la panique sur les marchés, entraînant une chute de la livre sterling et une envolée des coûts d’emprunt du gouvernement, les finances publiques présentent un déficit estimé à 40 milliards de livres. Rishi Sunak et Jeremy Hunt – qui restera probablement au poste de chancelier de l’Échiquier, l’équivalent du ministre des Finances – ont indiqué que c’est par une austérité et des attaques « vertigineuses » que les comptes seront équilibrés.
Les ministères seront invités à trouver de nouvelles « économies d’efficacité ». Les services publics, déjà réduits à leur plus simple expression, seront privés de ressources supplémentaires, et les dépenses seront réduites dans tous les domaines.
Le programme d’aide financière du gouvernement en matière d’énergie sera réduit. Les demandeurs d’aide sociale seront probablement les prochains à être ciblés. Et même les vaches sacrées telles que la garantie sur les pensions de retraite pourraient ne pas être épargnées, étant donné l’ampleur des coupes nécessaires.
Les ramifications seront graves et mortelles. Le système de santé public est déjà au bord de l’effondrement, avec une liste d’attente de plusieurs millions de personnes. Les tribunaux ont des mois de retard dans le traitement des dossiers. Les écoles délabrées ont du mal à garder leur personnel. Et les travailleurs du secteur public abandonnent en masse, après des années de réductions salariales réelles, aggravées par une inflation galopante et des factures en hausse.
Mutinerie
Tout cela se traduira par des douleurs et une misère atroces pour des millions de personnes au Royaume-Uni. Non seulement les travailleurs, mais aussi les classes moyennes sont mis à mal, alors que les taux d’intérêt augmentent, faisant grimper les remboursements hypothécaires pour les propriétaires et poussant les petites entreprises endettées à la faillite.
Il s’agit de bases de soutien autrefois fiables pour le Parti conservateur, qui est aujourd’hui à la traîne dans les sondages en raison des décisions kamikazes de Mme Truss. Certains sondages estiment que l’écart entre les travaillistes et les conservateurs atteint 39%. Confrontés à l’anéantissement électoral et cherchant à sauver leur peau, de nombreux députés conservateurs vont probablement se rebeller contre les mesures d’austérité proposées par Sunak et Hunt.
Une grande partie des conservateurs – tant au Parlement que parmi les membres – est déjà opposée à Sunak, qu’ils considèrent comme un « traître » et un « socialiste ». Pour ces fanatiques frénétiques et écervelés, c’est « Boris ou rien ». Et les promesses d’une plus grande discipline fiscale et d’une réduction des dépenses ne feront qu’intensifier les humeurs mutines et les divisions au sein du parti.
Lutte des classes
La classe dirigeante n’obtiendra donc pas la stabilité qu’elle souhaite du premier ministre Sunak. Au contraire, le capitalisme britannique est en passe d’entrer dans des eaux encore plus périlleuses. Et le fait d’avoir le timonier désiré à la barre fera peu de différence. Les tentatives de rétablissement de l’équilibre économique seront l’étincelle de nouvelles explosions politiques et sociales, non seulement au sein du parti conservateur, mais surtout dans le mouvement ouvrier.
Le programme d’austérité de Sunak vient s’ajouter à 12 années d’attaques contre l’emploi, les salaires et les conditions de travail, à un moment où les syndicats se mobilisent déjà et où la classe ouvrière se réveille et fait jouer ses muscles.
Ces derniers mois, nous avons assisté à une montée de la mobilisation syndicale, notamment avec les grèves du rail et des postes menées respectivement par le RMT et le CWU. Les syndicats du secteur public sont en train de tenir des votes de grève, avec le personnel de l’enseignement supérieur du syndicat UCU qui a voté massivement en faveur de la grève pour les salaires et les retraites, et les infirmières, les enseignants et les fonctionnaires qui devraient suivre.
Et le mouvement a commencé à se coordonner, avec des manifestations et des piquets de grève communs le 1er octobre, et le récent congrès de la confédération des syndicats qui a approuvé les appels à de nouvelles grèves et luttes unies. Le décor est donc planté pour un hiver de mécontentement; une confrontation brutale entre ce nouveau gouvernement conservateur et la classe ouvrière; en bref, pour une guerre de classe ouverte.
Leadership révolutionnaire
La Grande-Bretagne se dirige donc vers une époque révolutionnaire. Les idées de la lutte des classes et du socialisme sont de nouveau à l’ordre du jour. Ce qu’il faut, c’est une campagne d’action de masse pour chasser tous les conservateurs – et le système capitaliste pourri qu’ils défendent. Comme le dirigeant du syndicat des cheminots Mick Lynch l’a affirmé : « Il faut un soulèvement! »
Toutes les conditions pour une révolution sont en train de mûrir. La classe dirigeante est divisée. Les classes moyennes sont en ébullition. La classe ouvrière se met en mouvement, cherchant une voie pour sortir de l’impasse du capitalisme. Ce qui manque, c’est le quatrième (et le plus décisif) facteur : celui du leadership révolutionnaire, qui peut indiquer la voie à suivre aux travailleurs et aux jeunes.