Le revenu minimum garanti (RMG) fait l’objet de discussions sérieuses au Canada, en raison de la pandémie de COVID-19 et des différents programmes de prestations fédérales. Le RMG est un paiement inconditionnel versé à tous les citoyens, peu importe le revenu ou la tranche d’imposition. Les propositions de RMG proviennent tant de la gauche que de la droite. Le RMG peut sembler attrayant pour la gauche, du moins en surface, mais quelle position les marxistes devraient-ils adopter à son égard?
Les libéraux et le RMG
Il y a eu beaucoup de bruit vers la fin de l’été autour de l’adoption possible d’un RMG par le gouvernement Trudeau. Les libéraux semblaient signaler qu’ils allaient proposer un RMG, une sorte de Green New Deal (New Deal vert), ou les deux dans le cadre du discours du Trône de fin septembre.
Chrystia Freeland a déclaré que : « La COVID-19 offre une fabuleuse occasion au Canada d’avoir une reprise “équitable” et “verte”. » Bloomberg rapportait que Trudeau prévoyait « le plus grand virage à gauche du Canada en matière de politique économique depuis des décennies », et que Chrystia Freeland avait été « chargée de rien de moins que de faire la refonte socio-économique du pays ».
La droite s’est arrachée les cheveux face à cette possibilité. Cependant, alors que la droite rage devant la perspective d’un RMG et d’une augmentation de la dette déjà massive, il n’y a rien de fondamentalement de gauche ou de socialiste dans le RMG ou même dans les Green New Deals. L’application d’une telle politique ne signifie pas un changement fondamental du système capitaliste, elle ne représente pas un changement majeur des rapports de propriété, et elle ne signifie pas du tout le socialisme.
Au contraire, le RMG est presque toujours proposé comme un moyen de sauver le capitalisme, ou comme un moyen de dissimuler les contradictions du capitalisme afin d’en améliorer le fonctionnement. Le RMG ne vise pas à changer ni à renverser le capitalisme, mais à le rendre meilleur du point de vue de ses partisans, qu’ils soient de droite ou de gauche.
La droite ne s’arrache pas les cheveux parce que le RMG est le signe avant-coureur d’une révolution socialiste, mais parce qu’elle s’inquiète de qui va payer pour – et la classe dirigeante ne veut pas dépenser un sous. C’est pourquoi la droite s’énerve et crie au socialisme.
Après que Bay Street leur a fait connaître son opposition, Trudeau et Freeland ont reculé sur leur plan de « refonte » du pays. Vers la fin du mois d’octobre, Trudeau a commencé à dire que les prestations d’urgence pendant la pandémie ne devraient pas être considérées comme des changements permanents au filet de sécurité sociale. Il a déclaré que « ce n’est pas parce qu’un programme a bien fonctionné pendant la pandémie qu’il sera utile une fois la crise passée » et a ouvertement déclaré à propos de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) : « Ce n’est pas une mesure que nous pouvons automatiquement poursuivre dans un monde post-pandémique. »
Cependant, le fait que le gouvernement Trudeau recule sur le RMG et sur l’idée de rendre permanents les prestations d’urgence ne signifie pas que le RMG soit complètement écarté.
Le congrès du Parti libéral du Canada était censé avoir lieu à la mi-novembre. L’un des sujets politiques les plus importants avancés par les députés libéraux était l’adoption d’un revenu minimum garanti ou universel. Le caucus libéral demandait au gouvernement d’adopter le RMG dans une résolution prioritaire. Elle a été désignée comme résolution principale – ce qui garantissait qu’elle soit débattue et fasse l’objet d’un vote. Des députés et ministres libéraux qui soutiennent le RMG ont exprimé publiquement l’espoir que la PCU soit transformée en une sorte de revenu de base.
En avril de cette année, 50 sénateurs ont écrit une lettre au gouvernement. La lettre était présentée comme un appel au gouvernement à convertir la PCU en une forme de RMG, mais la lettre elle-même semblait plutôt viser à rendre la PCU permanente, et pas nécessairement universelle. Cependant, le Sénat est en train d’étudier et d’évaluer des propositions de RMG. Une discussion sur le RMG a bel et bien lieu, et elle se déroule aux plus hauts niveaux du gouvernement.
Le RMG de gauche
Qu’en est-il des partisans de gauche du RMG? L’institut Broadbent a récemment publié une proposition de RMG. Il s’agit d’une proposition plutôt technique sur la mise en œuvre du RMG par le biais d’une réforme fiscale. Elle parle principalement de convertir les services d’aide sociale provinciaux en programmes fédéraux universels, ainsi que de modifier le mode de fonctionnement des transferts fédéraux aux provinces.
Elle se lit comme une proposition commerciale qui tente de convaincre la classe dirigeante que le RMG est la manière rationnelle et la plus efficace de gérer les services sociaux, c’est-à-dire que le programme de l’institut Broadbent est la manière la plus efficace de gérer le capitalisme. L’entièreté de son argumentaire représente une tentative de convaincre les capitalistes que le RMG est vraiment dans leur intérêt.
La proposition de l’institut Broadbent contient en fait quelques réformes et mentionne que ces services sociaux seraient gérés plus efficacement et seraient financés par un impôt progressif. Cela signifierait la fin des allégements fiscaux sur les gains en capital et les dépenses des entreprises, mais l’idée principale est fiscale, légaliste et constitutionnaliste. Elle n’est pas fondée sur la lutte des classes, mais se concentre sur les négociations fédérales/provinciales sur les réformes et elle soutient essentiellement qu’une organisation plus rationnelle des services sociaux serait plus rentable et plus efficace pour les capitalistes que le système actuel.
En août de cette année, la députée néo-démocrate Leah Gazan a demandé que la PCU soit convertie en un RMG. Toutefois, elle avait un programme beaucoup plus progressiste.
Son programme parle de « cesser l’aide sociale aux entreprises et mettre fin aux paradis fiscaux tout en taxant les ultra riches ». De plus, il affirme : « Un revenu minimum viable doit être administré en plus de : l’augmentation des investissements dans les services publics actuels et futurs du gouvernement, l’accès à des logements sociaux abordables, l’extension des services de santé, et des soutiens au revenu destinés à répondre aux besoins spéciaux, exceptionnels et aux autres besoins et objectifs distincts en plus des besoins de base. »
Cependant, même dans ce cas, la proposition est finalement rédigée en termes bourgeois, en essayant de convaincre les capitalistes et leurs gouvernements que c’est la manière la plus efficace et la moins chère de s’occuper de la pauvreté. Ces propositions ne se fondent pas vraiment sur la lutte des classes. La proposition de Gazan soutient que les coupes dans l’aide sociale finissent par coûter plus cher parce qu’elles signifient des recettes fiscales plus faibles et des coûts plus élevés pour les systèmes de santé et de justice. Les organisations avec lesquelles elle a collaboré pour son projet de loi présentent également les arguments en faveur du RMG de la même manière, à savoir que le paiement d’un RMG serait plus rentable parce qu’il ferait baisser les coûts indirects liés à la pauvreté.
Ce sont en fin de compte des revendications naïves avancées par ceux qui, à gauche, croient que l’austérité est idéologique ou que l’austérité est un choix de la classe dirigeante. La gauche réformiste croit que nous pouvons d’une manière ou d’une autre persuader les riches et les nantis donner plus d’argent pour le bien de la société. Les partisans de gauche du RMG ne font qu’espérer la bienveillance et la philanthropie des capitalistes et des politiciens de l’establishment qui les représentent.
RMG et PCU
Les propositions réformistes de RMG appellent toutefois effectivement à un renforcement du filet social et à l’expansion de l’État-providence financée par une augmentation de l’impôt sur les grandes entreprises et les riches. Venant de la gauche, le RMG est comme toute autre revendication progressiste. En tant que révolutionnaires, nous soutiendrons de manière critique tout ce qui conduit à plus d’argent dans les poches des travailleurs, mais ce n’est pas notre position et nous en soulignons les problèmes et les limites. Nous ne pouvons pas nous contenter de plaider pour le statu quo, ce qui signifie que nous ne pouvons pas simplement adopter la réforme comme notre propre position. Notre position n’est pas que l’État capitaliste subventionne les bas salaires par le biais des régimes de RMG. Notre position est que les travailleurs se battent et forcent directement les patrons à payer des salaires plus élevés. Tout en luttant pour des réformes, nous faisons remarquer aux travailleurs que toute réforme sous le capitalisme est éphémère, et que la seule façon de garantir les réformes est l’expropriation des moyens de production par la classe ouvrière.
Une faiblesse supplémentaire du RMG est que même lorsqu’il est proposé avec même les meilleures intentions réformistes, le fait qu’il soit également proposé par la droite signifie qu’il risque de se faire réapproprier. Un gouvernement libéral en mauvaise posture pourrait théoriquement adopter le RMG pour voler les votes du NPD, pour ensuite se retourner et l’utiliser comme une feuille de vigne pour des coupes dans les programmes sociaux. Un gouvernement néo-démocrate capitulant face aux pressions capitalistes pourrait faire quelque chose de similaire, en abandonnant l’expansion de l’État-providence et les impôts sur les sociétés, ne laissant derrière lui qu’un paiement en espèces financé par les déficits et l’inflation.
Les partisans de gauche du RMG ne peuvent pas non plus échapper au problème auquel sera confrontée toute proposition visant à taxer les riches alors qu’ils continuent à posséder les moyens de production. Tout plan qui taxerait réellement les riches et redistribuerait la richesse ne serait pas accepté par les capitalistes. Si on taxe les riches, ils n’investiront pas. Ils emmèneront leurs capitaux à l’étranger, fermeront les usines et mettront des millions de personnes au chômage. C’est pourquoi la question clé n’est pas la taxation et la redistribution, mais la propriété. On ne peut pas planifier ce qu’on ne contrôle pas et on ne peut pas contrôler ce qu’on ne possède pas.
La question du RMG est similaire à notre position sur la PCU. Nous sommes favorables à ce que la classe ouvrière et les petites entreprises reçoivent un soutien pendant la pandémie. Mais sommes-nous en faveur de ce soutien sous forme d’aides et de subventions pour les capitalistes? Non!
C’est fondamentalement ce que le gouvernement a fait en réponse à la pandémie : une aide massive aux patrons et aux entreprises, sous la forme de subventions salariales, de prêts à remboursement différé, des 700 milliards de dollars que les grandes banques et les entreprises ont reçus.
La PCU, et maintenant la PCRE, sont principalement utilisés par les travailleurs pour payer leurs dépenses de base, c’est-à-dire le loyer, les factures de cartes de crédit et de services publics, l’épicerie, etc. En ce sens, l’utilisation des recettes fiscales générales pour maintenir les travailleurs et leurs familles en vie pendant la pandémie n’est qu’une autre forme de subvention publique pour les capitalistes.
Alors que la PCU profite incontestablement aux travailleurs, dont beaucoup ne pourraient pas survivre sans elle, elle est également une subvention pour les entreprises, les maintenant à flot et permettant même à beaucoup d’entre elles de faire des profits.
Toutes ces mesures du gouvernement Trudeau pendant la pandémie ont révélé une chose fondamentale : les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. Les 44 milliardaires les plus riches du Canada ont augmenté leur richesse de 53 milliards de dollars au cours de la pandémie. En ce sens, c’est-à-dire qu’il s’agissait d’une aumône pour les patrons, nous n’étions pas favorables à la PCU. Notre position est une position socialiste : pas pour la PCU, mais contre le renflouement des entreprises et pour leur nationalisation sous le contrôle des travailleurs, pour la planification économique.
C’est un programme socialiste comme celui-ci qui peut nous permettre de mettre en place les mesures nécessaires pour combattre la pandémie : aucun licenciement, aucune perte de salaire, réduction de la taille des classes dans les écoles, extension des mesures de santé publique à tous les niveaux et soutien aux petites entreprises.
La classe ouvrière devrait avoir accès à des congés de maladie payés, à des indemnités de risque et à des salaires garantis – payés par les patrons et non par les recettes fiscales générales. Si les patrons ne peuvent ou ne veulent pas payer, ils devraient être expropriés et l’entreprise nationalisée sous le contrôle des travailleurs.
Nous ne sommes pas opposés à ce que le PCU aide les travailleurs à payer les factures, et notre opposition aux subventions accordées aux patrons ne signifie pas que nous sommes favorables à ce que les travailleurs perdent le financement de la PCU.
Nous ne sommes pas pour la PCU, ce n’est pas notre revendication, mais maintenant qu’elle a été mise en œuvre, nous sommes opposés à ce que les travailleurs soient privés de cet avantage.
Supprimer la PCU maintenant serait une contre-réforme totale et une attaque contre la classe ouvrière. Cela laisserait de nombreuses personnes dans une pauvreté abjecte, et nous serions donc opposés à ce que le gouvernement supprime la PCU.
Mais comment nous opposerions-nous à cela? En tant que marxistes, nous ne pouvons pas simplement plaider pour le statu quo. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire « Pas touche à la PCU ». Notre devoir serait de présenter une position socialiste, de soulever nos idées révolutionnaires et d’expliquer que si la PCU n’est pas notre position, c’est une réforme qui doit être défendue et que les patrons doivent payer pour et non en profiter.
Notre position serait que la suppression de la PCU entraînerait des pans entiers de la classe ouvrière dans une pauvreté abjecte. La classe ouvrière ne doit pas payer pour la pandémie, ce sont les patrons qui doivent payer. Cependant, la PCU est en fin de compte une aumône pour les patrons, et n’apporte pas de solution à long terme aux contradictions du capitalisme exposées par la pandémie et la crise économique. Les salaires garantis, les primes de risque, le contrôle ouvrier afin d’assurer la sécurité au travail sont les seuls moyens de protéger la vie et les moyens de subsistance de la classe ouvrière, et ceux-ci ne peuvent être garantis que par des nationalisations sous le contrôle des travailleurs, etc.
Il en va de même pour le RMG. S’il est proposé comme une revendication progressive à payer avec des impôts accrus sur les sociétés et les riches, nous pouvons le soutenir comme une réforme, mais nous présentons notre programme révolutionnaire et expliquons les problèmes auxquels un programme de RMG serait inévitablement confronté.
Réforme ou révolution?
En tant que revendication progressive basée sur une augmentation de l’imposition des grandes entreprises et des riches, le RMG équivaut en fait à la revendication classique du réformisme : taxer les riches! Oui, nous sommes d’accord pour taxer les riches afin de réaliser des réformes. Les patrons devraient payer pour la crise sanitaire. Nous sommes d’accord et nous soutiendrions une telle réforme si elle était adoptée, mais ce n’est pas notre programme politique.
Taxer les riches pour payer les réformes est le programme politique du réformisme. Notre programme politique est pour l’expropriation des capitalistes, la nationalisation des piliers fondamentaux de l’économie sous le contrôle des travailleurs, et pour une économie planifiée démocratiquement. Notre position n’est pas de « taxer les riches ». Notre position est le socialisme. Nous soulignons que la société a très certainement la richesse nécessaire pour financer une telle réforme véritablement progressiste, mais nous soulignons également que le RMG ne résout aucune des contradictions fondamentales du capitalisme.
Il faut également comprendre que la seule façon de mettre en œuvre une telle réforme de manière significative est que les capitalistes se sentent menacés, c’est-à-dire que le système capitaliste lui-même soit en danger. L’histoire a montré que lorsque la lutte des classes atteint un tel niveau d’intensité, les élites dirigeantes sont prêtes à adopter des réformes par le haut pour empêcher la révolution par le bas.
Cependant, même dans ce cas, notre revendication ne serait pas un RMG, mais une révolution socialiste. Dans cette situation, pourquoi soutenir une réforme de dernière minute pour sauver le capitalisme, alors que nous pourrions revendiquer le renversement de ce système?
Cela souligne l’un des principaux problèmes des revendications réformistes comme le RMG. Cette revendication est ancrée dans le réformisme classique : à travers leurs politiques et leur programme, ce que les réformistes disent en réalité, c’est que le mode de production capitaliste est acceptable, que la propriété privée des moyens de production est sacrée et doit être préservée, et que seul le mode de distribution capitaliste est déréglé et doit être corrigé; autrement dit, nous devrions simplement réduire un peu les inégalités afin d’éviter le chaos de la révolution.
Toutes ces propositions et ces réformes, qui reviennent essentiellement à taxer les riches pour qu’ils paient pour les services sociaux (ou pour le RMG), ne font que balayer sous le tapis les contradictions du capitalisme, mais elles ne font rien pour résoudre le fond du problème.
Les partisans réformistes du RMG ne posent pas la question dans une perspective de classe. Ils ne font pas l’analyse de qui possède et contrôle réellement la richesse dans la société, et ils ignorent la question de savoir comment ce contrôle de la richesse a été obtenu en premier lieu.
La PCU profite aux travailleurs, mais elle a été mise en place sous le capitalisme par un parti capitaliste dirigeant un gouvernement capitaliste. Cela signifie que la PCU a finalement été mise en place dans l’intérêt de la classe capitaliste. Il en serait de même avec le RMG. Une fois mis en œuvre sous le capitalisme, il servirait les intérêts de la classe dirigeante.
Si un RMG était adopté, il serait soumis aux mêmes pressions et efforts que les autres services sociaux. Il serait soumis à la pression de l’austérité. Le RMG est une tentative de sauver le capitalisme de ses propres contradictions, mais il maintient en fin de compte le travail à bas salaire dans le secteur privé en faisant absorber le chômage par l’État et en faisant payer les coûts à la classe ouvrière par l’impôt.
Un RMG représente en réalité une forme de subvention salariale pour les patrons. Nous devrions plutôt nous battre pour que ceux-ci paient des salaires plus élevés et accordent des avantages sociaux aux travailleurs. En ce sens, le RMG pourrait se transformer en obstacle pour les luttes pour un salaire décent, de meilleures conditions de travail, l’augmentation du salaire minimum, etc.
Nous devons nous battre pour de vastes améliorations des prestations pour les chômeurs, les pauvres et les handicapés, mais plutôt que de nous battre pour le RMG, nous devrions nous battre pour des salaires décents et pour l’expansion des services publics comme les soins de santé, le logement, la garde d’enfants, l’éducation et les transports publics. La lutte pour l’expansion des services sociaux fait partie de la lutte des classes et, en ce sens, fait partie intégrante de la lutte pour la transformation socialiste de la société.
Étant donné qu’il se fonde sur l’idée d’agrémenter les salaires à partir des recettes fiscales, le RMG revient essentiellement à soutenir le statu quo. Cela signifie accepter les bas salaires et les emplois précaires. Les programmes sociaux et les services publics ont été attaqués et vidés de leur substance pendant des décennies, et les réformistes sont arrivés à la conclusion que nous devrions compenser cela par un revenu de base universel plutôt que de lutter contre l’austérité, plutôt que de lutter pour l’amélioration des services sociaux, plutôt que de lutter pour la transformation socialiste de la société.
Le RMG épargne aux patrons la lutte des classes et, à cet égard, il rationalise en fait et signifie l’acceptation de l’austérité. Il signifie accepter la domination de classe de la bourgeoisie. Il signifie accepter l’austérité, les bas salaires, les emplois précaires. Il implique fondamentalement l’acceptation du statu quo du capitalisme dans une tentative de camoufler les contradictions du système avec un maigre paiement en espèces.
Les socialistes ne peuvent pas se vendre à si bon marché en acceptant le RMG dans notre programme. Pour les socialistes, l’accent ne doit pas être mis sur la redistribution des richesses déjà créées dans la société par le biais de divers systèmes d’imposition et de services sociaux. Les réformistes se concentrent sur la distribution dans le cadre du capitalisme, mais les socialistes devraient se concentrer sur la production elle-même, car c’est la racine des contradictions présentes dans la société. Nous devrions mettre l’accent sur le contrôle collectif et démocratique des moyens de création de la richesse, c’est-à-dire des moyens de production, où la valeur et la richesse sont créées.
En ce sens, l’inégalité inhérente à la société bourgeoise est un symptôme, le capitalisme lui-même est la maladie. La critique socialiste du capitalisme ne vise pas en premier lieu les symptômes de la maladie, mais la maladie sous-jacente elle-même, c’est-à-dire les lois du capitalisme et de la propriété privée des moyens de production et de l’État-nation, la contradiction de la concurrence et du monopole, la production pour le profit, qui font tous obstacles au développement des forces productives.
Problèmes et solutions
Le RMG et le réformisme en général n’offrent aucune solution à ces contradictions fondamentales. Quels sont les grands problèmes que les partisans du RMG prétendent résoudre?
Il y a une lettre intéressante qu’un groupe de 100 PDG a écrite à l’actuel premier ministre ontarien Doug Ford après qu’il a annulé le programme de RMG de l’ancien gouvernement libéral ontarien. Ils lui demandaient de rétablir le programme. Ils ont énuméré un certain nombre de raisons pour la mise en place du RMG, que les réformistes mentionnent généralement aussi. Il s’agit des mêmes contradictions du capitalisme qui sont à l’origine de la crise organique du système, notamment l’intelligence artificielle et les pertes d’emplois dues à l’automatisation, les emplois précaires et à faible revenu, la mondialisation et la monopolisation de certaines industries comme le secteur de la vente au détail par Amazon.
Ces facteurs exercent une pression à la baisse sur les salaires, ce qui affaiblit la demande. La réduction de la demande fait baisser la croissance économique. Une aile de la bourgeoisie est capable de voir le problème ici : s’il y a des masses de chômeurs à cause de l’automatisation et de la mondialisation et que le reste de la classe ouvrière occupe des emplois précaires et à faible revenu et peut à peine survivre, qui achètera toutes les marchandises produites? Les capitalistes sont inquiets : si personne ne travaille ou si tout le monde est pauvre, le marché sera sévèrement limité; comment l’économie peut-elle croître dans ces conditions?
Du point de vue des socialistes, comment un petit revenu mensuel de base résout-il ces problèmes? Le capitalisme crée les conditions mêmes qui le rongent de l’intérieur. Il creuse sa propre tombe et crée ses propres fossoyeurs. Le chômage augmente en raison de l’automatisation et, maintenant, en raison de la pandémie. Cette situation, combinée aux bas salaires et aux emplois précaires, entraîne une baisse de la demande. La baisse de la demande entraîne un effondrement des investissements, et l’effondrement des investissements entraîne une hausse du chômage, etc.
Ce cercle vicieux est la crise classique de la surproduction, une crise qui se fait attendre depuis longtemps. Le système capitaliste lui-même se défait sous le poids de ses propres contradictions, et aucun bricolage des politiques économiques, tant du côté de l’offre que de la demande, ne pourra venir à bout de la crise.
Comment le RMG propose-t-il de résoudre ces contradictions? Il ne propose pas du tout de les résoudre. Comment un maigre revenu de base universel peut-il résoudre la question de l’automatisation, de l’emploi précaire ou des bas salaires? Comment résout-il le problème du chômage, des bas salaires et de la diminution de la demande?
En fait, le RMG revient à subventionner les patrons en versant des salaires qu’ils devraient de toute façon payer, et il ne fera qu’encourager une baisse des salaires encore plus forte afin de compenser les taux de profit qui stagnent. Mais encore une fois, cela ne fait que réduire la demande, ce qui entraîne une surproduction, ce qui fait baisser encore plus le taux de profit.
La grande ironie en ce qui concerne le RMG est que ceux qui le proposent reconnaissent ouvertement toutes les contradictions flagrantes du capitalisme. Cependant, ils finissent par accepter le problème et suggèrent toutes sortes de réformes, tout sauf la solution elle-même. Ils peuvent admettre les défauts du capitalisme, mais refusent de voir que le capitalisme lui-même est le problème.
Au lieu de réclamer un RMG, les socialistes devraient utiliser cette question pour exposer les irrationalités, les absurdités et les contradictions du capitalisme. Notre revendication ne devrait pas être un RMG, dans le cadre duquel le contrôle de l’économie reste entre les mains des patronats et l’argent continue à couler à flot dans les poches de ces parasites. Notre revendication doit être la nationalisation des principaux leviers de l’économie et le contrôle ouvrier, la démocratie ouvrière.
Plutôt que d’exiger un revenu de base universel pour les personnes mises à pied par l’automatisation, nous devrions demander le partage du travail disponible, avec une journée de travail réduite pour tous. Au lieu du RMG, nous devrions réclamer une échelle mobile des salaires et des heures de travail.
Cependant, cela n’est possible que sur la base du socialisme, un système économique fondé sur les besoins et non sur les profits. Les libéraux et les réformistes brandissent le slogan d’un revenu minimum garanti pour résoudre les problèmes fondamentaux du capitalisme : la pauvreté, l’inégalité, le chômage, l’automatisation et le travail précaire. Mais ils ne proposent pas de s’attaquer à la racine du problème, c’est-à-dire au capitalisme lui-même, à la propriété privée des moyens de production et à la production pour le profit. Le RMG ne s’attaque pas à ces problèmes. En tant que socialistes, nous devons proposer un programme socialiste et nous battre pour une société où la devise « de chacun selon ses capacités; à chacun selon ses besoins » peut être réalisée.