Les 50 000 travailleurs des postes risquent d’entrer en grève d’ici quelques jours, dans un contexte où la direction de Postes Canada fait tout en son pouvoir pour provoquer une confrontation. Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) avait offert de repousser de deux semaines l’échéance du lock-out, prévu pour le 2 juillet, mais a essuyé un refus de la part du PDG de Postes Canada, Deepak Chopra. Ce rejet signifie que la tension est à son comble dans les milieux de travail, les travailleurs-euses retenant leur souffle devant la possibilité d’une grève ou d’un lock-out. Quel que soit le chemin que prendra la confrontation, la lutte sera acharnée.
Le syndicat et la direction sont en négociation depuis janvier, les deux parties ayant passé les trois derniers mois enfermés dans un hôtel d’Ottawa à négocier sans répit. Toutefois, ces négociations auraient aussi bien pu ne pas avoir lieu, la seule offre mise sur la table par l’employeur se trouvant à des lieux des revendications des travailleurs-euses. L’ébauche de convention de 350 pages présentée par la Société canadienne des postes est un programme d’austérité et demande des concessions majeures de la part des postiers-ères. En fait, l’offre patronale correspond en pratique à des coupes salariales. La convention proposée, d’une durée de quatre ans, stipule en effet un gel de salaire pour la première année, suivi d’une augmentation d’un pour cent par an pour les trois années suivantes. En tenant compte de l’inflation, cela correspond réellement à une diminution du pouvoir d’achat des travailleurs-euses.
De plus, le contrat proposé accroîtra l’écart entre les nouveaux employés-es et les employés-es actuels. Les nouveaux auraient droit à un régime de retraite moins généreux que les employés-es actuels. Le syndicat ne peut accepter une telle proposition, qui ne ferait qu’affaiblir l’unité des travailleurs-euses. Cela est particulièrement vrai considérant qu’après la dernière ronde de négociation et le lock-out de 2011, le syndicat a subit une grave défaite et a dû accepter une structure salariale à deux niveaux, dans laquelle les nouveaux employés-es font 7 $ de l’heure de moins que les autres.
Tous les signes démontrent de façon évidente que la direction entend coûte que coûte provoquer une grève ou un lock-out. Postes Canada est toujours dirigée par Deepak Chopra, nommé à ce poste par Stephen Harper. C’est lui qui dirigeait la société lors du conflit de travail de 2011. Les travailleurs-euses sont toutefois prêts à lui tenir tête. Avec un vote de grève remporté à plus de 90 %, le syndicat possède un mandat fort de la part de ses membres en faveur d’une intensification de la lutte si les négociations en venaient à une impasse.
Le spectre d’une loi de retour au travail plane autour de l’éventuelle grève. Après tout, le gouvernement a eu recours à cette mesure draconienne à l’encontre du STTP à de nombreuses reprises. Les progressistes-conservateurs de Brian Mulroney ont voté le retour au travail des postiers-ères en 1987 et à nouveau en 1991. Six ans plus tard, c’était au tour des libéraux, avec Jean Chrétien à leur tête, de retirer le droit de grève aux travailleurs-euses des postes. La plus récente loi de retour au travail a été déposée par les conservateurs lors de la dernière période de négociation en 2011. Toutefois, le STTP n’est pas le seul syndicat à avoir subi une telle répression de ses droits démocratiques par l’État. Les travailleurs-euses ferroviaires du Canadien Pacifique ont aussi eu à faire face à cette épreuve il y a quatre ans. Les travailleurs-euses d’Air Canada ont connu trois retours au travail forcés au cours des cinq dernières années.
Il y a de cela deux mois, le gouvernement libéral a annoncé qu’il ne légiférerait pour mettre fin à aucun conflit de travail. Toutefois, lorsque Global News a tenté d’entrer en contact avec la ministre du Travail Mary-Ann Mihychuk lundi dernier pour confirmer que le gouvernement n’allait pas utiliser de loi spéciale de retour au travail advenant qu’il y ait grève ou lock-out, il n’y a pas eu de réponse. Le bureau du premier ministre a été tout aussi silencieux lorsqu’il fut contacté par les médias. Cela signifie que les travailleurs-euses ne peuvent pas compter sur les promesses des libéraux. Ils ne peuvent compter que sur leurs propres forces, et sur la solidarité de classe de leurs frères et sœurs de tout le pays.
Après avoir obtenu une victoire significative il y a cinq ans contre le STTP, la direction de Postes Canada est en confiance, et croit pouvoir lui infliger une autre défaite. L’ancien leadership du STTP a été soumis à une critique importante de la part de sa base, et un nouveau président, Mike Palecek, venu de la gauche militante du syndicat, a été élu il y a un an. Le syndicat a mis en lumière le fait que Postes Canada a engrangé des profits importants au cours des dernières années. Il est donc clair que la question n’est pas de savoir si les livres comptables de Postes Canada sont dans le rouge ou non. Il est maintenant question d’une croisade politique de la part de la direction pour écraser le STTP, l’un des syndicats les plus importants du Canada. C’est maintenant aux travailleurs-euses, qui possèdent la force du nombre, de freiner ces apparatchiks nommés par Harper et de les faire plier. Le nouveau leadership syndical fait face à un défi important, et la question sera de savoir s’il peut remplir les promesses de son mandat.
Afin de gagner, les travailleurs-euses et leur leadership doivent être prêts et disposés à aller plus loin que ce qui est considéré comme une lutte syndicale « normale ». Il n’est pas suffisant de simplement voter la grève et d’organiser des piquets de grève solides et combatifs. Ces piquets de grève doivent être prêts à défier une loi spéciale si et quand elle viendra. Si les patrons peuvent briser le mouvement en faisant voter un bout de papier dans le Parlement, comme ils l’ont fait en 2011, cela va simplement paver la voie à d’autres attaques et d’autres concessions.
De plus, il est dans l’intérêt du mouvement ouvrier en entier que le STTP gagne contre la Société canadienne des postes, et qu’il soit capable de résister à toute loi spéciale qui lui sera imposée. C’est la direction belliqueuse qui devrait subir des coupes, et non les travailleurs-euses des postes et leurs familles. Une victoire du STTP pourrait relancer le mouvement ouvrier et inspirer les autres travailleurs-euses à riposter contre les attaques constantes sur leurs conditions de vie. C’est précisément pour cette raison que le mouvement ouvrier doit être prêt à mettre sur pied des piquets volants et à prendre toutes les actions de solidarité qu’il faudra. Un simple soutien verbal n’est pas suffisant : une attaque contre un est une attaque contre tous. Tout autour du monde, les patrons et les gouvernements de toutes les allégeances politiques demandent que des compressions soient imposées aux travailleurs-euses, et leurs méthodes sont de plus en plus vicieuses et impitoyables. Les travailleurs-euses n’ont d’autre choix que de riposter avec une énergie implacable. Luttons jusqu’à la victoire des postiers et des postières!