Depuis le 28 avril, les 1100 travailleurs de l’usine d’abattage d’Olymel de Vallée-Jonction sont en grève illimitée. Sans convention collective depuis le 31 mars, les membres du Syndicat des travailleurs d’Olymel Vallée-Jonction (STOVJ), affilié à la Fédération du commerce-CSN, n’ont pas hésité à utiliser le moyen le plus puissant à leur disposition afin de faire entendre leurs revendications salariales.
Selon l’employeur, l’augmentation de salaires demandée équivaut à environ 35%, un chiffre que le syndicat n’a pas confirmé. Or, même si c’était bien le cas, il faut comprendre qu’il s’agit d’un rattrapage salarial.
La convention collective signée en 2007 a été un dur coup pour les travailleurs, alors qu’ils avaient été forcés d’accepter une réduction de salaire d’environ 40% et d’autres exigences du patron. Dans le contexte de crise du secteur porcin québécois, Olymel avait menacé de fermer l’usine de Vallée-Jonction si les travailleurs ne se pliaient pas à ses demandes. Bien qu’Olymel avait effectivement subi une chute de ses ventes, cela n’avait toutefois pas empêché l’entreprise québécoise d’octroyer des augmentations de salaires à ses cadres cette année-là!
Justement, les bas salaires signifient que l’usine fait face à un problème important de rétention de la main-d’œuvre. En effet, depuis la signature de la dernière convention collective en 2015, 1800 travailleurs ont été embauchés et 1700 autres ont quitté leur emploi à l’usine de Chaudière-Appalache. Martin Maurice, le président du STOVJ, explique : « Depuis la convention de 2007, nous avons obtenu l’équivalent de 1,13 dollars l’heure en augmentation de salaire. On travaille pour des pinottes. »
Depuis ce temps, les profits d’Olymel ont grimpé, mais les salaires des travailleurs de l’usine ont stagné. Si Olymel prétend que d’augmenter les salaires des travailleurs de Vallée-Jonction « placerait l’usine hors compétition », la réalité est que ce géant de l’agroalimentaire a les poches pleines. En effet, dans son dernier exercice financier pour 2019-2020, l’entreprise fait état d’une augmentation de 16,4% de ses ventes par rapport à l’année précédente et ce, malgré le contexte de pandémie. Son chiffre d’affaires atteint désormais 4,5 milliards de dollars. Olymel est une division de Sollio Groupe coopératif (anciennement La Coop fédérée), qui a annoncé avoir fait des « ventes records » dans la dernière période, totalisant désormais un chiffre d’affaires de 8 milliards de dollars.
L’usine de Vallée-Jonction est d’ailleurs particulièrement centrale dans ces résultats comme il s’agit de la plus importante usine d’abattage et de transformation de porcs au Québec, où plus de 35 000 porcs y sont abattus chaque semaine. Olymel fait la grosse piasse en exploitant le labeur de ses travailleurs. Après s’être fait voler une portion énorme de leurs salaires sous menace de fermeture, il est plus que temps pour les travailleurs de l’usine de Beauce de reprendre ce qui leur appartient.
Cette grève illimitée s’inscrit aussi dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Les travailleurs de l’abattage, un secteur essentiel, sont fortement à risque d’attraper le virus. Ils travaillent à promiscuité et souvent sans équipement adéquat. Une éclosion est d’ailleurs survenue à l’abattoir de Vallée-Jonction à l’automne, après que l’entreprise a assoupli ses mesures sanitaires. Cent-vingt-six travailleurs – plus d’un travailleur sur dix – ont attrapé le virus, dont un d’entre eux est décédé. L’entreprise a été extrêmement lente à réagir, ayant attendu que d’autres éclosions surviennent dans les usines de Princeville et Sainte-Rosalie pour annoncer un dépistage plus grand dans les usines touchées dans la région.
Mais la situation ne touche pas que le Québec. À l’usine de Red Deer en Alberta, l’entreprise a laissé une éclosion, commencée en novembre, s’installer pendant longtemps. La contamination a éventuellement forcé Olymel à fermer temporairement l’usine en février. C’est plus de 500 personnes qui ont été contaminées, dont quatre qui sont décédées. La négligence d’Olymel est totalement criminelle!
Quand il est question de santé et sécurité des travailleurs, les patrons sont toujours lents à réagir. Mais quand vient le temps de couper dans les salaires et faire des économies, on peut toujours compter sur leur rapidité.
C’est ce qu’on a d’ailleurs vu au printemps dernier lorsqu’Olymel, comme d’autres grandes compagnies, s’est dépêchée de retirer la prime COVID-19 de 2 dollars l’heure pour les travailleurs de ses usines, dès que la première vague de la pandémie s’est essoufflée. Et surtout pas question de la remettre en place pour les vagues suivantes!
Dans ce contexte, on ne s’étonne pas que l’usine de Vallée-Jonction ait des problèmes de rétention de la main-d’œuvre. C’est toujours les profits avant la santé au royaume des porcs capitalistes.
Ayant opté pour la grève illimitée, les travailleurs du STOVJ parlent désormais le seul langage que pourra entendre un patron aussi avare et négligeant. Une victoire pour les grévistes de Vallée-Jonction serait un exemple positif pour les autres usines d’Olymel et autres abattages qui subissent les mêmes pressions des boss et font face aux mêmes risques sanitaires.
Solidarité avec les travailleurs du STOVJ!