Bien avant que la crise actuelle du capitalisme ne secoue l’ensemble du pays, l’Etat du Michigan nous avait donné un aperçu de l’avenir. Le Michigan était autrefois le cœur de l’industrie automobile américaine, particulièrement les villes de Détroit et Flint. Dans les 70 et 80, les « Big Three » (les 3 Grands : General Motors, Ford et Chrysler) ont commencé à y réduire leur production. A la recherche de plus bas coûts de production, ils ont accéléré les cadences, taillé dans les salaires et procédé à des licenciements. Ils ont aussi déplacé la production vers d’autres pays ou d’autres Etats américains moins syndiqués.
Les travailleurs de l’industrie automobile, organisés par le syndicatUnited Auto Workers, ont subi des reculs majeurs au cours des 30 dernières années. Et la production automobile étant un secteur clé pour l’ensemble de l’Etat du Michigan, cela a eu un impact colossal sur tout le tissu économique et social. Au début, cette régression s’est réalisée sur fond de croissance économique. Aussi les travailleurs parvenaient-ils toujours plus ou moins à joindre les deux bouts. Mais à présent, avec la crise économique mondiale, les citoyens de Détroit subissent une austérité extrêmement sévère. La classe capitaliste et ses représentants politiques tournent avidement leurs regards vers le secteur public.
Chute de la population
En 1980, Détroit comptait 1,2 million d’habitants. Du fait de la crise du marché du travail, la population y a chuté de 25 % entre 2000 et 2010. La ville a perdu 500 000 habitants sur trois décennies. Les écoles publiques et la municipalité de Détroit en sont devenues les deux plus grands employeurs, avec un effectif total de 27 000 employés. Et même ces travailleurs sont devenus très exposés, du fait d’un déficit de 150 millions de dollars, en 2011, dans le budget de la ville.
Officiellement, le taux de chômage est de 20 %. Mais si l’on compte tous ceux qui sont sortis des statistiques, le chiffre est beaucoup plus élevé. 53 % des jeunes et 20 % des personnes âgées vivent sous le seuil de pauvreté. Le revenu familial annuel médian des habitants atteint tout juste 31 000 dollars, bien en dessous de la moyenne nationale (49 445 dollars).
La campagne d’austérité la plus récente a été menée par le gouverneur républicain Rick Snyder, dans le sillage de la législation antisyndicale adoptée au printemps 2011 par les gouverneurs Scott Walker (Wisconsin) et John Kasich (Ohio). Snyder a étendu un programme dit de Gestionnaires Financiers d’Urgence (Emergency Financial Manager, EFM), un poste auquel le gouverneur peut nommer une personne ou une société et qui ouvre la possibilité de dissoudre tout contrat de travail du secteur public, de l’administration scolaire et de la mairie – et de dépouiller les droits de négociation collective. Flint, au Michigan, est de loin la plus grande ville à entrer dans ce programme. Mais le maire de Détroit, Dave Bing, un démocrate, a proposé de devenir un de ces EFM si Snyder déclare Détroit en difficulté financière. C’est une preuve supplémentaire que les objectifs fondamentaux des républicains et des démocrates sont les mêmes.
L’école attaquée
Le système scolaire public de Détroit lui-même est actuellement sous le contrôle d’un EFM. Le premier EFM des écoles publiques de Détroit, Robert Bobb, a été nommé en 2009 par le gouverneur Jennifer Granholm, un Démocrate. Il a immédiatement procédé au démantèlement du système scolaire public. 73 écoles publiques ont été fermées, y compris celles qui avaient un taux de réussite aux examens proche de 100 %. L’année suivante, 70 écoles privées ont été ouvertes ! Ce fut un coup très dur pour le personnel syndiqué et le corps professoral.
Cependant, une lutte nationale est à l’œuvre. Les travailleurs de l’Ohio ont montré la voie à suivre quand ils ont voté, le 8 novembre 2011, pour rejeter l’infâme projet de loi antisyndical au sénat du gouverneur Kasich. Ce projet de loi aurait mis fin à la négociation collective pour les employés du secteur public, avec l’institution d’un système de « droit de travailler » dans l’Etat. Le vote à 61 % contre le projet de loi est la preuve que les travailleurs sont prêts à se battre. Mais la volonté de combattre n’est pas suffisante. La classe dirigeante est bien organisée ; nous devons l’être aussi !
Le mouvement syndical
La plus grande faiblesse du mouvement syndical est sa soumission aux démocrates, sous prétexte que ces derniers seraient un « moindre mal ». Mais en fait, les deux « maux » – républicains et démocrates – sont tous deux fermement liés aux intérêts des grandes capitalistes. Dans le Michigan, comme dans d’autres Etats à travers le pays, les gouvernements locaux sont dans un gouffre financier en raison de la crise économique. Malgré tout le battage, dans les médias, au sujet de « la politique partisane » qui oppose républicains et démocrates, s’il y a bien quelque chose qui les unit, c’est la conviction suivante : les grandes entreprises et la classe capitaliste ne payeront pas la crise. Bien au contraire ! Les employés du secteur public, les retraités qui dépendent de l’aide médicale et de la Sécurité sociale, les étudiants qui ont du mal à payer les frais de scolarité, les travailleurs payés au salaire minimum et les chômeurs qui ont à peine de quoi tenir mois après mois : ceux-là paieront. Alors que les représentants des deux partis font beaucoup d’effets de manche sur ce qu’ils appellent « les décisions difficiles », les résultats sont toujours les mêmes : les travailleurs et les pauvres sont faits pour porter le fardeau de la crise capitaliste.
Les attaques lancées par les administrations dans le Wisconsin, l’Ohio, le Michigan et ailleurs sont autant de symptômes d’un système dans l’impasse. Les acquis sociaux sont broyés sous les yeux de ceux qui les ont arrachés. Il existe une alternative : une riposte de masse des travailleurs. Et il nous faut créer un parti qui serve leurs intérêts. Les syndicats du Michigan doivent lancer une campagne sérieuse contre les coupes budgétaires et l’austérité. Mais ils doivent aussi organiser une campagne électorale indépendante pour défier le maire Bing et le gouverneur Snyder.