Les tueries au Colorado et Connecticut, à Boston et à travers le pays (qui ont eu lieu en 2012 et au printemps 2013) ont choqué beaucoup de gens. Comme nous l’avions expliqué précédemment dans les pages deSocialist Appeal, ces incidents répétés de violence sont un signe de la décadence du capitalisme américain. Le déclin du capitalisme n’offre aucun futur pour la jeunesse d’aujourd’hui, seulement du désespoir et d’illusoires distractions et évasions. Chômage élevé, dette, manque d’infrastructure de santé, aliénation et sentiment général d’insécurité sont suffisants pour pousser certains à l’extrême. C’est seulement en changeant la société, en offrant à chacun un espoir en un avenir meilleur, en mobilisant les gens de manière à ce qu’ils veuillent vivre leur vie plutôt qu’elle leur échappe, que nous pourrons en finir avec ces crimes horribles.
Cependant, beaucoup de politiciens capitalistes nous racontent qu’il y a une solution rapide et facile : une loi plus stricte sur le contrôle des armes. Cette solution va à l’encontre de l’expérience réelle. L’alcoolisme est un problème répandu et insoluble aujourd’hui comme il l’était dans les années 1920. En janvier 1920, le 18e amendement a été mis en vigueur, prohibant la production et la vente d’alcool. L’argument avancé était que l’interdiction de l’alcool ferait disparaître l’alcoolisme. Rien de ceci ne s’est produit. La prohibition a renforcé le crime organisé, donnant aux gangs criminels le monopole sur tous les aspects de la production et de la vente d’alcool, pourtant l’alcoolisme a continué comme auparavant.
Aujourd’hui les états qui ont les lois les plus strictes sur le contrôle des armes comme New York, le Massachusetts, le New Jersey et la Californie sont également parmi ceux qui ont connu les crimes les plus violents impliquant des armes à feu. Les armes illégales sont le plus souvent acquises dans d’autres états, par des individus qui y ont le droit d’en acheter, ou sont vendues illégalement par des vendeurs autorisés. Bien que cela semble être un argument pour élargir au niveau fédéral les lois les plus strictes sur les armes, il n’y a pas de raison de supposer que les armes ne se retrouveraient pas dans les mains de ceux qui ont de mauvaises intentions.
Il y a déjà un marché noir pour les armes à feu et, comme la prohibition de l’alcool dans les années 1920, des lois plus strictes sur le contrôle des armes ne feraient que renforcer le lucratif marché noir. Il y a déjà sur internet des plans qui peuvent nous permettre, en utilisant une imprimante 3D, de produire un un pistolet en plastique parfaitement fonctionnel. Les cartels mexicains de la drogue, qui sont souvent mieux armés que la police et l’armée, montrent combien sont inefficaces les efforts visant à freiner l’accès aux armes.
Le « droit de porter des armes » a été défendu aux Etats-Unis plus que dans n’importe quel autre pays du monde. Le deuxième amendement de la constitution américaine, avec les neuf autres qui composent la « Déclaration des Droits », était une concession des de la classe dirigeante naissante afin de pouvoir faire passer les aspects les moins démocratiques de la constitution comme le Sénat ou la Court Suprême.
Au moment de la signature de la constitution, malgré que la classe dirigeante ait ralenti l’élan révolutionnaire, le système capitaliste était encore jeune et historiquement progressif. Un appareil d’état fort n’était pas encore développé. La classe dirigeante n’en avait pas encore besoin. Le prolétariat, étant peu développé, ne représentait pas une force puissante et massive, constitué de la majorité de la population, comme c’est le cas aujourd’hui. Selon le lieu et les milices locales, il suffisait d’un petit renfort de l’armée de métier et, par-dessus tout, d’une marine forte pour réprimer les soulèvements locaux.
Mais les choses ont changé aux Etats-Unis. Le slogan « nous sommes les 99 % » est une bonne approximation des rapports de forces des classes aujourd’hui, avec une minuscule minorité de capitalistes d’un côté et la masse des travailleurs de l’autre. La classe ouvrière à un énorme potentiel de pouvoir entre ses mains, la possibilité de stopper la production et de bloquer la société. Avec l’approfondissement de la crise du capitalisme, la classe dirigeante ne peut plus continuer à compter sur son idéologie ou quelques concessions pour garder la paix sociale. Face à une telle menace, les capitalistes ont développé un appareil d’état imposant pour maintenir leur domination.
Friedrich Engels, dans son œuvre classique L’origine de la Famille, de la Propriété Privée et de l’Etatexplique : « L’état n’est donc nullement un pouvoir imposé de l’extérieur… Il est bien plutôt un produit de la société à un stade déterminé de son développement ; il est l’aveu que cette société s’empêtre dans une insoluble contradiction avec elle-même, s’étant scindée en oppositions inconciliables qu’elle est impuissante à conjurer. Mais pour que les antagonistes, les classes aux intérêts économiques opposés, ne se consument pas, elles et la société, en une lutte stérile, le besoin s’impose d’un pouvoir qui, placé en apparence au-dessus de la société, doit estomper le conflit, le maintenir dans les limites de « l’ordre » ; et ce pouvoir, né de la société, mais qui se place au-dessus d’elle et lui devient de plus en plus étranger, c’est l’État ».
Quand les politiciens capitalistes appellent au « contrôle des armes », ils disent en réalité que la majorité de la classe ouvrière doit donner plus de pouvoir à l’état bourgeois pour déterminer qui a accès aux armes. La classe capitaliste pousserait un soupir de soulagement devant le complet désarmement de la classe ouvrière. L’état capitaliste aurait le monopole total des armes. En plus de son monopole des tribunaux, des prisons, de la police, des agences d’espionnage, des militaires, etc.
Donc, du point de vue de la classe capitaliste, le sens réel du contrôle des armes n’est pas le désarmement des criminels ou des éléments instables, qui aurait encore accès aux armes via les canaux illégaux, mais le désarmement de la classe ouvrière dans son ensemble.
Nous avons vu comment cela a été fait dans le passé. Quand les Black Panthers se sont armés pour leur propre défense, l’état bourgeois les a violemment attaquées. Les groupes d’extrême droite, d’autre part, sont armés jusqu’aux dents et pourtant l’état ne regarde pas dans cette direction.
Les États-Unis ont une longue histoire de violence d’état armée contre les immigrés, les noirs et contre la classe ouvrière dans son ensemble, spécialement en cas de luttes déterminées. Presque toutes les batailles importantes des travailleurs aux États-Unis ont été marquées par des attaques de l’état contre les grévistes. Comme un patron tristement célèbre a dit, ces grévistes ont besoins « d’être emmenés de force au travail ». Contre cette force écrasante de l’état capitaliste, la classe ouvrière doit défendre ses propres droits démocratiques fondamentaux et ses organisations, incluant le droit d’accès aux armes.
Il n’y a pas de miracle au problème de la violence armée, et aucune solution dans le cadre du capitalisme, un système basé sur l’exploitation et la violence d’une classe sur une autre. Seules l’organisation et l’unité des travailleurs peuvent offrir une solution à la violence de la société de classe. Qu’elle soit perpétrée par l’état capitaliste pour casser une grève ou par des individus aliéné ou instable capables d’un massacre.
Le mouvement syndical, par l’organisation de son propre parti politique, pourrait commencer à traiter les maux de notre société, seulement si ce parti est armé d’un programme socialiste. Des entreprises comme Colt ou Smith & Wesson engrangent d’énormes profits de la vente d’arme. Un gouvernement des travailleurs nationaliserait l’industrie de l’armement et la placerait sous contrôle démocratique des travailleurs.
Sous un gouvernement de travailleur, la classe ouvrière organiserait elle-même la protection de la société. Le socialisme s’étendrait à travers le monde, les relations entre les nations se baseraient de plus en plus sur la solidarité et non l’exploitation. Les besoins en défense nationale et militaire disparaitront avec les frontières nationales elles-mêmes. Ici, chez nous, la nécessité d’une force de police se tenant au-dessus de la société, avec des pouvoirs spéciaux et des privilèges, disparaitrait également.
Les immenses richesses et ressources de notre société fourniraient des emplois et serviraient à élever le niveau de vie de tout le monde. Nous pourrions éliminer l’instabilité, l’aliénation et les conditions inhumaines du capitalisme qui engendrent la violence qui sévit dans notre société.
Mai 2013