Le soir du 28 novembre, la ville de Hamilton a été le théâtre d’une démonstration de solidarité avec le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) après que celui-ci ait été victime d’une loi spéciale. Un piquet de grève a été érigé devant l’établissement de traitement du courrier de Postes Canada dans le quartier de Stoney Creek. Il était composé de différents groupes politiques, communautaires, syndicaux, en plus de gens venus sur une base individuelle. Cette action a été spontanément organisée par des gens de la communauté en réponse à l’utilisation d’une loi de retour au travail antidémocratique. Six militants de Fightback Hamilton se sont joints au piquetage pour appuyer le STTP.

Le piquet a été érigé à 17h avec comme objectif initial de le maintenir pendant trois ou quatre heures. Mais nul ne savait combien de gens viendraient. Plus de 100 personnes étaient là au début, avec un flux constant de personnes qui se sont ajoutées au fur et à mesure que la soirée avançait. Avec autant de gens présents, le piquet a tenu jusqu’à minuit.

Maintenir un piquet pendant des heures n’est pas une tâche facile. Le faire tenir passé minuit n’aurait pas été faisable sans les ressources de la communauté. Seules les organisations de masse possèdent les ressources nécessaires pour maintenir une grève pour une période de temps prolongée.

Malgré ces défis, nous avons tous mis en commun le peu de ressources que nous avions. Nous avons trouvé des barils et du bois pour faire un feu, du café, de la nourriture et de l’eau. Il y avait même une radiocassette qui faisait jouer du Billy Bragg et d’autres artistes du mouvement ouvrier. Dès que nos bannières ont été déployées, les voitures et les camions ont commencé à klaxonner en signe de solidarité. Il était clair que l’appui aux postiers allait beaucoup plus loin que le piquet.

Le piquet lui-même était tout un spectacle. Entre deux barils de feu qui nous gardaient au chaud, une bannière géante affichait le slogan « Fuck Justin Trudeau », à côté d’une variété de bannières et de drapeaux de syndicats et de groupes politiques. Les messages politiques portaient surtout sur le droit de grève, l’appui au STTP et la lutte contre les attaques des libéraux. Il y avait une colère palpable face à la loi spéciale antidémocratique, mais ce qui unissait véritablement le groupe était l’appui au STTP.

Les piqueteurs ont laissé les travailleurs entrer et sortir afin qu’ils ne soient pas bloqués par cette action. Il s’agissait avant tout une action de solidarité de la communauté de Hamilton à l’endroit des travailleurs qui sont en première ligne. Lorsque les piqueteurs ont expliqué aux travailleurs ce qui était en train de se passer, un sourire se dessinait immédiatement sur leur visage. Nombre d’entre eux serraient la main des participants, prenaient des photos et klaxonnaient en guise d’approbation. Bien que ces gestes étaient inspirants, la participation des travailleurs s’est limitée à ces actions. Les camarades de Fightback ont distribué leur tract portant sur la loi spéciale à ceux qui passaient devant le piquetage.

Les travailleurs ne pouvaient pas participer activement au blocage. Lors du piquetage, des travailleurs sont sortis pour prendre des photos et nous encourager à distance, tandis que d’autres nous remerciaient en marchant près du piquetage. Les travailleurs des postes n’avaient pas le choix de demeurer passifs devant le piquetage communautaire. Nous voyons bien les limites de ce type d’action. Il n’y a aucun doute que ces travailleurs auraient rejoint le piquetage si la direction syndicale leur avait donné cette directive. La situation aurait alors été transformée.

Les patrons ont aussi remarqué cette réponse des travailleurs. Afin d’empêcher la fraternisation entre les travailleurs et les piqueteurs, ils ont commencé à garder un oeil sur le piquet vers 19h30. Vers 20h, les policiers sont arrivés. Leur première tentative de mettre fin au piquetage a été d’appeler les pompiers pour éteindre les barils de feu nécessaires pour se garder au chaud. Les pompiers ont expliqué aux piqueteurs que nous n’avions pas le droit d’allumer un feu dans la rue, mais que de le faire sur le trottoir était permis. Un piqueteur a répondu en disant que nous laisserions le feu s’éteindre puisque nous n’avions pas l’équipement nous permettant de déplacer un baril de métal en feu. Les pompiers étaient d’accord, mais pas les policiers. Ils ont tenté de convaincre les pompiers d’utiliser un extincteur, ce qui aurait empêché le baril d’être utilisable avant d’être nettoyé. Les pompiers ont répondu en utilisant leurs gants pour déplacer le baril pour nous. Nous les avons remerciés de ne pas avoir éteint le feu.

Quand les cadres de l’établissement de traitement ont essayé de partir, nous les avons retenus pendant 20 minutes en leur demandant de négocier de façon juste avec le STTP. La police et les patrons de l’établissement ont demandé à plusieurs reprises de parler au « dirigeant » du groupe afin de mettre fin au piquet. Comme nous l’avons mentionné, c’était une manifestation spontanée de la communauté sans aucun « dirigeant » officiel. Au fur et à mesure que la nuit avançait, la police continuait à nous surveiller de loin. Mais ultimement, ce fut une manifestation pacifique et il n’y a eu aucune arrestation, malgré le fait que, selon Postes Canada, cette action était illégale.

Quand les camarades de Fightback ont quitté le piquet, un travailleur des postes s’est approché du groupe et nous a dit : « Merci énormément d’avoir fait cela. Nous étions si démoralisés quand la loi est passée. Nous partagions des photos des [actions de solidarité] sur Facebook partout au pays. C’est extraordinaire. Nous sentons que nous pouvons nous battre. » Le message du piquet a été entendu par les travailleurs. Nous voyons que les travailleurs de la base du STTP ne sont pas encore vaincus, et que le désir de lutter est bien présent. Ce qu’il faut maintenant, c’est une direction prête à mobiliser ces travailleurs.

Il n’y a aucun doute que les piquets de solidarité sont des actions courageuses, mais elles peuvent difficilement être soutenues pour plus d’une journée. Après la manifestation, Postes Canada a dit qu’elle cherchera à entreprendre des mesures contre ceux qui ont « illégalement » bloqué l’établissement. Il ne s’agit probablement que de tentatives d’intimidation devant le fait que la loi spéciale n’a pas arrêté le mouvement ouvrier. Cependant, nous devons être préparés à combattre toutes mesures prises contre tout individu qui a pris part au piquet. Le piquet était une manifestation entièrement pacifique et les propos de Postes Canada sont entièrement faux.

Le piquet de Hamilton montre que la communauté est prête à se tenir debout et à lutter en solidarité avec le STTP. Cependant, les piquets communautaires ne peuvent pas durer indéfiniment. Si le STTP défiait la loi de retour au travail, la solidarité de la part des autres travailleurs serait immense. Les piquets à Hamilton, à Vancouver et à Windsor montrent qu’il existe un large appui pour les travailleurs. Si la direction voulait combattre, la communauté serait présente à chaque pas pour appuyer la désobéissance à des lois injustes. Le British Columbia Government and Service Employees’ Union (BCGSEU) s’est même engagé à contribuer à la hauteur de trois millions de dollars pour soutenir le STTP, et d’autres syndicats ont pris des engagements semblables. Ultimement, il va falloir qu’un syndicat défie une loi de retour au travail, sans quoi ces lois continueront à être utilisées pour bafouer les droits durement gagnés des travailleurs.


Le soir du piquet, les camarades de La Riposte socialiste de l’UdeM ont organisé une conférence intitulée « Comment défier les lois spéciales? ». Vous pouvez visionner la conférence ici :