Le monde entier a récemment été une fois de plus secoué par une vague de massacres perpétrés par des extrémistes de droite. Les auteurs des tueries de Gilroy en Californie et El Paso au Texas, qui ont fait 25 victimes, avaient même partagé des manifestes fascistes détaillant leurs croyances politiques. Il faudrait être aveugle pour ne pas voir que les politiciens de droite comme le président américain Donald Trump sont complices de cette recrudescence des attentats fascistes.
Trump minimise constamment la menace du terrorisme des suprémacistes blancs, en affirmant qu’il ne s’agit que « d’un petit groupe de personnes ». Mais les terroristes de droite ont tué plus de gens aux États-Unis l’an dernier que lors de n’importe quelle autre année depuis 1995, l’année où Timothy McVeigh avait fait sauter une bombe dans un édifice gouvernemental, tuant 168 personnes. De plus, un rapport de janvier 2019 révèle que tous les meurtres extrémistes aux États-Unis en 2018 étaient liés à l’extrémisme de droite. Selon le Southern Poverty Law Center, le nombre de groupes haineux au pays grandit chaque année depuis quatre ans et a atteint récemment un nombre record.
Trump est complice
Envers et contre tous, Trump a continué de minimiser la menace et a publié sur Twitter qu’il envisageait de faire déclarer « Antifa » une « organisation terroriste majeure ». Cette déclaration survient après que les sénateurs Ted Cruz et Bill Cassidy aient proposé une résolution visant à faire désigner « Antifa » comme une « organisation de terroristes intérieurs ». Le lendemain du tweet de Trump, le tireur de Gilroy passait à l’action.
Critiqué de toutes parts, Trump en a rajouté et refuse de reconnaître une quelconque responsabilité pour avoir incité ces attaques, et ce en dépit du fait que les tueurs évoquent souvent le nom de Trump, comme l’a découvert une enquête de ABC News. Le tireur d’El Paso mentionne Trump dans son manifeste de quatre pages où il affirme partager les idées du tireur de Christchurch. Il affirme aussi que « cette attaque est une réponse à l’invasion hispanique du Texas », reprenant ainsi des propos souvent tenus par Trump. C’est là exactement le même argument que Robert Gregory Bowers avait utilisé en octobre dernier pour justifier son attaque à Pittsburgh. Cet attentat était survenu immédiatement après que Trump ait qualifié d’« invasion » la caravane de migrants qui arrivait d’Amérique centrale. Bowers s’en était pris à la synagogue Tree of Life, parce que selon lui, la Hebrew Immigrant Aid Society (la « Société hébraïque d’aide aux immigrants ») « aime accueillir des envahisseurs qui tuent notre peuple ».
Et bien sûr, ces événements ont lieu alors qu’un débat fait rage à propos du mur frontalier de Trump et la détention de masse à la frontière sud du pays. Ce n’est pas un secret que les rassemblements de Trump sont devenus des occasions de réunion pour les éléments racistes et violents. C’est ce qu’on a pu observer lors d’un rassemblement à Panama City Beach, en Floride, en mai dernier. Quand Trump a demandé « Comment est-ce qu’on arrête ces gens? », un participant a lancé : « On leur tire dessus. » Plutôt que de répliquer, Trump, visiblement amusé, a déclaré : « Il n’y a que dans l’Ouest de la Floride qu’on peut s’en tirer avec des propos comme ça. »
Suivant ces attaques, qui ont clairement été encouragées par la rhétorique provocatrice de Trump, ce dernier est resté discret pendant deux jours. Lorsqu’il a finalement refait surface dans les médias, il a fait une déclaration dans laquelle il a dénoncé, pour la première fois, « le racisme, l’intolérance et le suprémacisme blanc », et a réclamé la peine de mort pour les auteurs de crimes haineux. Il a toutefois à nouveau refusé de prendre le blâme et a plutôt mis la faute sur la maladie mentale et les jeux vidéos, en affirmant que « c’est la maladie mentale et la haine qui appuient sur la gâchette ».
Le Canada n’est pas à l’abri
Alors que beaucoup de gens au Canada observent avec horreur ces terribles événements, il serait naïf de penser que nous sommes à l’abri du fléau de la violence fasciste au nord de la frontière. Les mêmes processus sociaux en marche aux États-Unis se développent sous la surface au Canada aussi, et nous pouvons déjà en voir les effets.
Au moment même où les attaques avaient lieu aux États-Unis, une chasse à l’homme était en cours pour retrouver deux jeunes Canadiens, Bryer Schmegelsky et Kam McLeod, pour le meurtre de trois personnes dans le nord de la Colombie-Britannique. Il a été révélé que les suspects étaient des admirateurs d’Hitler et des nazis.
Également, nous ne pouvons oublier l’attaque à la camionnette l’an dernier à Toronto où Alek Minassian, un « incel » (célibataire involontaire) autoproclamé, a foncé sur des piétons, tuant huit femmes et deux hommes, et blessant seize autres personnes. Le mouvement « incel » est un mouvement d’hommes qui expriment une haine des femmes parce qu’ils ne parviennent pas à avoir des rapports sexuels avec elles. Ce mouvement misogyne est de plus en plus violent et associé à la droite alternative (« alt-right »).
L’exemple le plus évident de terrorisme d’extrême droite en sol canadien est la tuerie de la mosquée de Québec en 2017, qui a fait six morts et huit blessés. L’attaque a été commise par Alexandre Bissonnette, un partisan de Trump qui a motivé son geste en disant que les réfugiés allaient « tuer [ses] parents, [sa] famille ». Il a aussi affirmé avoir directement été inspiré par le décret migratoire de Trump, qui avait été présenté deux jours avant la tuerie.
Le nombre de groupes haineux d’extrême droite au Canada est aussi à la hausse. Selon Barbara Perry, professeure et experte sur les crimes haineux, il y a actuellement 130 groupes d’extrême droite actifs au Canada, une augmentation de 30% depuis 2015.
L’État capitaliste démasqué
Les représentants des gouvernements se donnent un air surpris chaque fois qu’un extrémiste de droite passe à l’attaque, mais ce n’est que de l’ignorance volontaire. Le gouvernement américain est bien au fait de la montée de l’extrémisme de droite. Il a seulement choisi de se fermer les yeux sur la situation. En réalité, déjà en 2009, le département de la Sécurité intérieure des États-Unis avait publié un rapport qui révélait que les extrémistes de droite américains constituaient la principale menace terroriste pour le pays. Ce rapport a simplement été écarté et ignoré.
Le gouvernement américain a continué de consacrer des sommes astronomiques à la lutte contre le « terrorisme international » alors que très peu est investi pour combattre les menaces terroristes internes. Cette année, le Congrès américain a adopté une loi sur la prévention du terrorisme intérieur (Domestic Terrorism Prevention Act) mais, ironiquement, on n’y désigne pas le terrorisme intérieur comme un crime. Jusqu’à présent, les terroristes intérieurs ont été poursuivis pour crimes haineux ou pour complot. Ceci signifie que l’énorme appareil de lutte au terrorisme des États-Unis ne peut pas être utilisé pour combattre le terrorisme intérieur.
Ironiquement, l’agence ICE (U.S. Immigration and Customs Enforcement) avait été créée après les attentats du 11 septembre 2001 dans le cadre des mesures anti-terroristes, mais vise aujourd’hui presque exclusivement des immigrants latino-américains qui n’ont jamais commis d’attentat terroriste en territoire américain – contrairement aux suprémacistes blancs qui en commettent de plus en plus.
Le FBI non plus ne s’embarrasse pas de ses contradictions, lui qui affirmait dans un rapport de 2017 que les militants noirs contre la brutalité policière sont « une menace à la sécurité nationale ». L’ironie brutale veut que ce rapport ait été publié neuf jours seulement avant la manifestation « Unite the Right », lors de laquelle des suprémacistes blancs ont pris d’assaut la ville de Charlottesville en Virginie, y terrorisant la population locale pendant une fin de semaine, pour finir par assassiner une militante de gauche, Heather Heyer.
Au Canada, les choses ne sont pas si différentes. Une récente étude a révélé qu’aucune accusation de terrorisme n’a été déposée contre l’extrême droite depuis 2001. C’est notamment le cas du tireur de Québec, Alexandre Bissonnette, qui n’a pas été accusé de terrorisme pour les six meurtres qu’il a commis.
Alors qu’un sondage indique que 44% des Canadiens voient maintenant l’extrême droite comme la plus grande menace à la sécurité nationale, presque tout le financement pour combattre le terrorisme est dirigé vers la lutte au djihadisme. Ce n’est que cette année que le Canada a ajouté des groupes d’extrême droite sur sa liste d’entités terroristes. Mais ce n’est là que de la poudre aux yeux. En réalité, les agents du SCRS passent leur temps à harceler les musulmans et les militants écologistes, et ne font pratiquement rien contre les groupes terroristes suprémacistes blancs qui se sont multipliés et se sont enhardis récemment.
L’hypocrisie libérale et la solution socialiste
Il est facile de simplement pointer du doigt les conservateurs et les démagogues de droite comme Trump, comme le font de nombreux libéraux. Toutefois, en réalité, les libéraux et les conservateurs ne sont que les deux faces de la même médaille du système capitaliste en faillite.
Tout le débat entourant les déportations, les immigrants « illégaux », le mur frontalier et les rafles de ICE n’est qu’une réaction à un problème engendré par l’impérialisme américain. Tant les républicains que les démocrates ont défendu des politiques qui ont déstabilisé le Moyen-Orient et l’Amérique centrale, ce qui a mené au déplacement de millions de gens fuyant des situations horribles. Peu importe qui siège à la Maison-Blanche, le gouvernement américain continue de soutenir des dictatures, de subventionner des terroristes à l’étranger, et de mener des guerres directement (comme en Irak et en Afghanistan) ou par le biais de ses alliés.
C’est le gouvernement américain, sous la direction d’Obama, qui a orchestré un coup d’État contre le gouvernement démocratiquement élu de Manuel Zelaya au Honduras en 2009. Hillary Clinton, alors secrétaire d’État, a admis que le gouvernement américain a usé de son pouvoir pour s’assurer que Zelaya ne reprenne pas le pouvoir. Cela a complètement déstabilisé le pays et mené à une spirale de violence, y compris des assassinats de journalistes et d’opposants au gouvernement. Des milliers d’habitants de l’Amérique centrale ont fui cette horrible situation à la recherche d’une vie meilleure. Ils arrivent ensuite aux États-Unis où ils sont accueillis par un mur, des centres de détention et des balles de fusil.
Bien que des politiciens du Parti démocrate critiquent le mur frontalier de Trump, le fait est qu’ils n’y sont pas fondamentalement opposés. Les premières portions du mur frontalier ont été érigées dans les années 90 à San Diego et Tijuana sous la présidence du démocrate Bill Clinton. Des démocrates comme Obama ont également soutenu le projet de mur frontalier de George W. Bush en 2006.
Si de nombreuses personnes ont récemment découvert l’existence de l’agence de police ICE et des horreurs qu’elle inflige, il ne faut pas oublier que c’est sous Obama que ses effectifs ont massivement augmenté. Obama avait dit à l’époque : « Nous avons maintenant plus d’effectifs à la frontière sud-ouest que nous n’en avons jamais eu dans notre histoire. La patrouille frontalière compte 20 000 agents, ce qui est plus du double de ce qu’il y avait en 2004. La hausse des effectifs avait commencé sous la présidence de Bush, et nous l’avons poursuivie. » Et contrairement à ce que bien des gens pensent, Obama a déporté plus de personnes par année que Trump.
Mais si Trump n’a pas créé ICE, il a tout de même radicalisé l’agence, en lui donnant un mandat beaucoup plus large. Pour reprendre les mots de l’ancien directeur de ICE, Thomas Homan, Trump a « enlevé les menottes » à l’agence, lui permettant de s’attaquer sans distinction aux 11 millions d’immigrants sans papier au pays. En effet, partout dans le pays, des raids de masse ont commencé. Les agents de ICE terrorisent des familles immigrantes et arrêtent des travailleurs immigrants sur leurs lieux de travail. Ces raids ont lieu indépendamment du fait que les deux tiers de ces 11 millions de gens vivent aux États-Unis depuis plus de dix ans.
Mais l’objectif de ces raids de ICE n’est pas de déporter 11 millions de personnes, ce qui serait une tâche monumentale pour laquelle les États-Unis n’ont clairement pas les ressources. L’objectif est de propager un climat de peur. Matthew Kolken, un avocat en droit de l’immigration l’explique clairement : « L’intention principale est d’envoyer le message que l’administration actuelle est prête à appliquer les lois existantes sur l’immigration, et les raids ont également un effet dissuasif. »
C’est dans ce climat de tension que de plus en plus de fascistes prennent les choses en main, ce qui accentue la terreur parmi les communautés immigrantes. La situation est dramatique et beaucoup de gens sont à la recherche d’une solution. Que pouvons-nous faire?
Dans la lutte contre la violence de l’extrême droite, les libéraux ont une approche complètement hypocrite. Ils ignorent le lien entre cette violence, les politiques d’immigration des impérialistes et la crise du capitalisme. Ils propagent la théorie non scientifique du fer à cheval, selon laquelle le fascisme et l’antifascisme reviennent au même. Ils parlent de la violence d’une manière abstraite et proposent que les forces de l’État aient davantage de contrôle sur les armes. Mais la police n’est pas un arbitre neutre, et nous avons pu voir à maintes reprises qu’elle travaille plutôt main dans la main avec l’extrême droite.
En réalité, le contrôle des armes ne va pas résoudre le problème de la violence de l’extrême droite. Ce dont nous avons besoin est d’un mouvement massif d’opposition de la classe ouvrière et d’autodéfense des travailleurs. Nous avons vu un exemple de ce type d’action une semaine seulement après l’attaque à Charlottesville, alors qu’une manifestation de masse à Boston a réussi à empêcher la tenue d’un rassemblement d’extrême droite.
Alors que la société capitaliste continue de se décomposer, le célèbre slogan « socialisme ou barbarie » conserve toute sa pertinence aujourd’hui. La montée de la violence fasciste, la crise des réfugiés et les guerres impérialistes sont parmi les exemples les plus flagrants de ce fait. La crise du capitalisme amplifie tous les maux de la société et les gens se radicalisent, vers la droite et vers la gauche.
Le libéralisme, qui n’offre que le statu quo des guerres, des inégalités et des politiques d’austérité, est incapable de vaincre l’extrême droite. Nous devons affronter la crise sociale avec un programme socialiste révolutionnaire qui dénonce ce système pourri à la source de la violence, la misère et l’oppression.