Photo : STTP/Facebook

La Cour supérieure de l’Ontario vient de reconnaître que le droit de grève ne vaut pas grand-chose au Canada. Après près de six ans devant les tribunaux, le syndicat des postiers vient de perdre la contestation judiciaire qu’il avait entreprise contre la loi de retour au travail qui lui avait été imposée par le gouvernement Trudeau.

En 2018, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a déclenché une grève rotative pour se battre contre les clauses de disparité de traitement et les conditions de travail dangereuses que lui impose Postes Canada. En réponse, le gouvernement fédéral de Justin Trudeau a adopté la loi C-89 pour forcer l’arbitrage obligatoire et casser la grève.  

Nous expliquions à l’époque que le syndicat devait défier cette loi anti-démocratique, qu’autrement les gouvernements continueraient à retirer aux travailleurs leur droit de grève par des lois de retour au travail dès qu’une grève devient trop dérangeante. Et quelques-uns des locaux syndicaux ont effectivement tenté de tenir tête au gouvernement. 

Mais la direction du syndicat a pris peur et n’a pas défié. Elle a accepté de retourner au travail et a plutôt choisi de porter la bataille devant les tribunaux en contestant la loi. Elle espérait obtenir gain de cause en raison d’un développement récent dans la jurisprudence, avec l’arrêt Saskatchewan de 2015, dans lequel la Cour suprême a reconnu le droit de grève comme faisant partie des droits constitutionnels protégés par la Charte canadienne des droits et libertés.

Nous disions à l’époque qu’il s’agissait d’une erreur. Transférer le terrain de la lutte devant les tribunaux signifie enlever celle-ci des mains des travailleurs et la porter sur un terrain favorable aux patrons. Les tribunaux font partie de l’appareil d’État bourgeois, et servent en dernière analyse les intérêts du patronat. 

Et comme nous l’avions prévu, près de six ans de procédures légales n’ont rien donné. Le juge a considéré que la contestation était « sans objet », c’est-à-dire que peu importe comment il trancherait, cela ne changerait rien. Trop de temps s’est écoulé. « Il n’y a plus rien à prendre en considération, plus rien auquel il faut remédier », dit-il.

Il est maintenant trop tard. Les dommages ont été faits. Le syndicat a mis fin aux piquets de grève au profit de démarches coûteuses et futiles, pendant que les conditions de travail des travailleurs ont continué à se dégrader. L’humeur sur le plancher des postiers est à la colère face à leurs conditions de travail dangereuses et leurs salaires qui stagnent – après des années de forte inflation.

La Cour supérieure de l’Ontario vient ainsi admettre que le « droit constitutionnel » de grève ne vaut pas deux sous. Un gouvernement peut imposer le retour au travail, et si les travailleurs contestent devant les tribunaux, ils se traineront d’une procédure légale après l’autre pendant des années et dépenseront des milliers de dollars en frais d’avocat avant de finir par se faire dire qu’il n’y a rien à faire. 

Et cela survient dans un contexte où les gouvernements ne se gênent pas pour imposer des lois de retour au travail. Dans les 10 dernières années, les postiers, les débardeurs, les travailleurs de la construction, les enseignants, et d’autres encore ont subi une loi de retour au travail. 

La leçon est claire ici, et tous les travailleurs devraient bien la retenir. On ne peut faire confiance au système juridique. Le droit est écrit par des serviteurs des patrons, pour les patrons. La soi-disant neutralité de la loi n’est qu’une mascarade. Dans les mots d’Anatole France, « La loi, dans un grand souci d’égalité, interdit aux riches comme aux pauvres de coucher sous les ponts, de mendier dans les rues et de voler du pain ».

Les postiers se préparent actuellement à possiblement entrer à nouveau en grève à l’automne. Ils doivent bien assimiler cette leçon. La seule manière de vaincre les lois de retour au travail est de les défier.