Au mois de mai, des militants de Fightback (au Canada anglais) et de La Riposte (au Québec) se sont rassemblées afin d’unifier les marxistes qui combattent le capitalisme canadien. Plus de quarante jeunes travailleurs, étudiants et syndicalistes se sont présentés à la conférence de Toronto pour débattre des effets de la crise du capitalisme et de la meilleure façon de mobiliser la résistance des travailleurs contre les attaques du patronat. Il s’agit de la plus grande rencontre depuis que cette conférence annuelle existe, avec des militants venant même de Vancouver pour y assister. Voilà qui démontre sans l’ombre d’un doute la présence croissante des idées marxistes au Canada.
Pour la première fois dans l’histoire de la conférence, nous avons reçu des invités de six continents différents. La crise du capitalisme a révélé la faillite de la quête du profit à tout prix; les idées marxistes commencent à avoir un plus grand impact sur le mouvement ouvrier, bien davantage qu’elles ont pu en avoir au cours des décénnies précédentes.
La conférence a été ouverte par Fred Weston, un invité du journal anglais Socialist Appeal, une publication marxiste orientée vers la politique du parti Travailliste d’Angleterre. Fred a parlé des perspectives mondiales pour le marxisme aujourd’hui. Depuis la conférence de l’année dernière, nous avons assisté à l’éruption de mouvements révolutionnaires en Iran, au Népal, au Kirghizistan, en Thaïlande ainsi qu’à un putsch contre-révolutionnaire au Honduras. L’Icelande a fait faillite et la classe ouvrière grecque continue de se débattre contre les mesures d’austérité draconiennes exigées par la bourgeoisie européenne. Fred a remarqué que dans une année »normale », un seul de ses évènements aurait attiré toute notre attention. Cette accumulation d’évènements perturbateurs démontrent à quel point le monde est instable, mais aussi que le capitalisme moderne n’a plus rien de progressif. De plus, aucun coin de la planète n’est à l’abri des pires effets de la crise capitaliste: même les états modernes et industrialisés d’Europe de l’Ouest sont au bord de la faillite. Partout, la classe ouvrière est prête à se réveiller.
Fred a également souligné le fait que ce n’est pas la crise qui aura le plus grand effet sur les travailleurs, mais plutôt la prétendue »reprise » économique. Si on se fie à ce que disent les économistes bourgeois, la majorité des pays commencent maintenant à émerger de la crise. C’est cette reprise qui devrait intéresser les marxistes. Il s’agit d’une reprise extraordinairement faible, n’ayant rien à voir avec les reprises que l’on a pu voir après la Grande Dépression ou la Deuxième Guerre Mondiale. Plusieurs travailleurs s’étaient laissés convaincre que s’ils gardaient la tête basse et travaillaient durement pendant la crise, ils seraient éventuellement récompensés par des augmentations de salaire, de sécurité d’emploi ou encore par de plus grands bénéfices. Malheureusement, ce ne sera pas le cas. Comme la crise grecque l’a bien montrée, les travailleurs peuvent s’attendre à une détérioration de leurs conditions de vie et de travail au fur et à mesure que les capitalistes transfèrent les coûts de la crise sur nos épaules. Autrement dit, les bouleversements auxquels on assiste actuellement en Grèce risquent de devenir la règle plutôt que l’exception lors de la période de conflit social accrue qui s’amorce.
Après l’introduction de Fred, plusieurs camarades sont intervenus dans les discussions. En fait, il y avait même trop peu de temps de parole pour que tout le monde arrive à s’exprimer! Au cours des discussions, nos camarades ont discuté des développements récents dans des pays comme l’Iran, la Thaïlande, les États-Unis, le Chili et l’Indonésie, aidant ainsi à dresser un portrait plus complet de la situation internationale pour l’ensemble des participants.
Camilo Cahis a ouvert le premier après-midi avec la situation actuelle au Canada. Il a fait remarqué que bien que le Canada ne soit pas aussi affecté que d’autres pays par la crise, nous sommes loin du »miracle canadien » à l’eau de rose que les médias capitalistes ont publicisé. L’an passé, l’économie canadienne a reculé de 3% tout en perdant 600,000 emplois. Tous les palliers de gouvernement ont accumulé des niveaux record de dettes qui devront être remboursées prochainement. De plus, certains économistes bourgeois commencent à s’inquiéter sérieusement de certains signes de faiblesse dans l’économie.
Le rebond de l’économie canadaienne au début de l’année était largement dû au boom du marché immobilier. À Toronto, le prix des valeurs immobilières a augmenté en moyenne de 13% alors qu’à Vancouver on parle d’une augmentation de près de 20% et ce, en pleine crise du capitalisme! Le prix des maisons à Toronto a augmenté à chaque semestre financier tout au long des treize dernières années. L’importante firme immobilière Royal LePage affirme qu’une gigantesque bulle immobilière est en train d’être créée. Les taux d’intérêts très bas y ont contribué de façon significative, rendant la spéculation immobilière attirante pour un nombre croissant de canadiens. Par contre, l’inflation commence à devenir un problème sérieux et la Banque du Canada a commencé à augmenter les taux d’intérêts. Nous faisons face à la réelle possibilité d’une deuxième vague de faillites si les hypothèques deviennent trop onéreuses à financer. Une augmentation des taux d’intérêts combinée à la turbulence causée par la crise de l’Euro pourrait replonger le Canada en récession.
Un autre signe inquiétant de cette supposée »reprise » se trouve dans les niveaux alarmants de dettes accumulées par les divers palliers de gouvernement. À première vue, la situation n’a pas l’air si pire que ça pour le Canada lorsqu’on le compare aux autres pays capitalistes modernes; le déficit fédéral est d’environ 3% du produit intérieur brut et le pays a le ratio dette-PIB le moins élevé de tous les pays du G8. Il suffit cependant de fouiller un peu pour se rendre compte que la situation est loin d’être sous contrôle. Le ratio dette-PIB du Québec approche de 100% et à peine inférieur de quelques points à celui de la Grèce. Le déficit budgétaire de l’Ontario pour l’année est deux fois supérieur à celui de la Californie, malgré le fait que l’économie californienne soit trois fois plus importante. De plus, selon les estimés du gouvernement libéral ontarien, la province va enregistrer des déficits budgétaires record au moins jusqu’en 2018. À ce moment, la province va probablement commencer à avoir de la difficulté à obtenir ses prêts à des taux d’intérêt raisonnables. Partout au pays, la bourgeoisie accentue la pression sur les gouvernements afin qu’ils limitent les dépenses en programmes sociaux, qu’ils diminuent les salaires et les bénéfices des employés du secteur public et qu’ils fassent payer les coûts astronomiques de la crise par la classe ouvrière. Pour le moment, les employés de l’état sont la principale cible des coupures en tous genres, auxquelles les différents gouvernements espèrent donner un statut permanent.
Pour la dernière session de la journée, Alex Grant a parlé des organisations de masse de la classe ouvrière. Alex a rappelé que beaucoup de »marxistes » ont choisi d’ignorer un des points les plus importants du Manifeste du Parti Communiste, qui nous dit ceci
Quelle est la position des communistes par rapport à l’ensemble des prolétaires ? Les communistes ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers. Ils n’ont point d’intérêts qui les séparent de l’ensemble du prolétariat. Ils n’établissent pas de principes particuliers sur lesquels ils voudraient modeler le mouvement ouvrier.
La crise du capitalisme force les travailleurs à riposter. Alex a expliqué que selon le processus historique élaboré par Ted Grant, les travailleurs vont s’organiser pour la transformation socialiste de la société à travers leurs organisations traditionelles. Ils ne comprenent pas les groupuscules qui évoluent en marge du mouvement ouvrier. La tâche des marxistes consiste donc à construire une base d’appui pour nos idées au sein des mouvements de masse déjà existants et à être reconnu comme une tendance politique légitime. L’objectif est donc de devenir une véritable alternative aux yeux des travailleurs qui sont à la recherche d’un exutoire révolutionnaire à leurs frustrations.
Au matin du deuxième jour de la conférence, on s’est intéressé à la tâche concrète de la construction d’une tendance marxiste au Canada. Il y a eu une discussion animée sur la question de la propagation des idées marxistes chez les jeunes et chez les travailleurs, car il apparaît évident que de plus en plus de gens commencent à remettre en quesion la logique du système capitaliste et à s’interroger sur les alternatives possibles.
Les camarades ont discuté de différents sujets d’actualité, dont l’organisation des manifestations contre le G20, qui vont rassembler des activistes, des ouvriers et des jeunes du monde entier. Les dépenses de sécurité de $1.1 milliards ont attiré la rage de la population, surtout dans le contexte actuel où le gouvernement n’arrête plus de prêcher l’austérité financière. Les camarades du Québec ont parlé des opportunités qui s’offrent à eux grâce à Québec Solidaire et de l’humeur radicale qui se développe chez la classe ouvrière québécoise, une fois de plus unie derrière un Front Commun contre les attaques du gouvernement.
De plus, nos camarades nous ont rappelé qu’il y a déjà un an que Fightback est imprimé en couleur à tous les mois. Les gens ont remarqué notre nouveau look professionnel et nous avons reçu plusieurs commentaires favorables quant au design de la revue. Le fait que Fightback paraisse maintenant à tous les mois a un effet direct sur l’accès à une analyse marxiste de l’actualité, qui est maintenant plus disponible que jamais. Cela nous permet d’étendre l’influence des idées marxistes au sein de la population. Un autre succès remarquable a été le lancement de La Riposte, équivalent francophone de Fightback, qui est maintenant publiée à chaque semestre au Québec. Les participants à la conférence ont promis de lancer une campagne de promotion pour les deux publications, afin d’accroître l’impact des idées marxistes sur la société. Pour obtenir votre abonnement, contactez-nous à fightback@marxist.ca ou encore à lariposte@marxiste.qc.ca
La dernière rencontre de la conférence de deux jours a été dédiée à un rapport sur les perspectives de la révolution bolivarienne (au Venezuela) par Camilo Cahis. Camilo a voyagé au Venezuela avec une délégation et a profité de son temps là-bas pour assister au congrès de refondation des marxistes vénézuéliens du PSUV (Parti socialiste unifié du Venezuela). Camilo a parlé brièvement de l’histoire de la révolution bolivarienne pour en arriver à la situation actuelle. La crise du capitalisme a durement frappé le Venezuela; en 2009, le PIB a reculé de 2,9% et les prédictions pour 2010 annoncent un autre repli, cette fois de 0,6%. En bonne partie, cela est dû à la classe capitaliste du Venezuela, qui refuse d’investir dans l’économie alors que le gouvernement lui offre des conditions idéales pour emprunter.
Camilo a expliqué en détail la nature parasitique de l’oligarchie vénézuelienne et de ses tentatives répétées pour nuire à la révolution. Pendant la première moitié de l’année le Venezuela a dû faire face à une sécheresse sans précédent, forçant le gouvernement à rationner l’utilisation d’eau et d’électricité et nuisant ainsi à l’économie. L’opposition prie pour que la sécheresse continue, afin de nuire davantage à l’économie et à la crédibilité du gouvernement actuel. Les patrons ont poursuivi leurs efforts pour nuire au secteur alimentaire et font tout ce qui est en leur pouvoir pour contourner les efforts du gouvernement de contrôler le prix de la nourriture.
L’opposition est également en train de s’organiser pour les élections qui arrivent en septembre, contrairement aux élections parlementaires de 2005 qu’elles avaient boycottées, permettant ainsi au mouvement bolivarien de prendre la plupart des sièges à l’assemblée nationale. En septembre, il y a de fortes chances que 30 à 45% des sièges soient occupés par des représentants hostiles à la révolution. Camilo demandé à l’assemblée ce que cela signifiait pour la révolution. Jusqu’à maintenant, cette révolution a suivi la voie »légale », respectant les lois de la bourgeoisie, mais la situation va devenir beaucoup plus difficile si l’opposition contre-révolutionnaire arrive à faire élire un nombre significatif de représentants.
Heureusement, les marxistes vénézuéliens de Lucha de Clases participent pleinement aux activités du PSUV, présentant même leurs propres candidats aux primaires qui ont eu lieu récemment. Les stocks du premier numéro de leur journal se sont tous vendus en quelques semaines, démontrant la soif pour les idées marxistes au sein de la population du Venezuela et le désir des travailleurs de compléter la révolution une fois pour toutes.
La fin de semaine s’est terminée avec enthousiasme lorsque tous les camarades ont chanté l’Internationale. La conférence a motivé un nouveau groupe de jeunes révolutionnaires, déterminés à défendre les idées marxistes comme seule alternative à la crise du capitalisme. Les capitalistes et les réformistes ne peuvent offrir aux travailleurs autre chose que d’autres attaques et davantage d’austérité. Notre solution est de prendre le contrôle des forces productives et de les utiliser pour le plus grand bénéfice de la majorité. Malgré le fait que la majorité des supporters de Fightback soient jeunes et sans le sou, les camarades ont rassemblé plus de 5,700$, un record. On peut encore améliorer cette collecte sans précédent: contactez nous pour supporter le marxisme au Canada. Chaque camarade est finalement rentré chez lui, fin prêt à vendre Fightback et à répandre des idées qui peuvent mettre fin à ce système pourri.