« Dorénavant, les grandes entreprises n’ont qu’à arrêter leurs opérations pendant quelques heures, infliger des dommages économiques à court terme, et le gouvernement fédéral interviendra pour casser le syndicat. »

Voilà ce qu’avait à dire Paul Boucher, président de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, après que le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a imposé l’arbitrage obligatoire entre les employés et employeurs des chemins de fer le 24 août. 

Le jeudi 22 août, les patrons du Canadien National (CN) et du Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) avaient mis leurs 9300 employés en lockout. Dans leur quête insatiable de profits, les patrons cherchent à imposer plus d’heures de travail et à s’attaquer aux conditions de travail et à la conciliation travail-famille. Les travailleurs ont répondu en érigeant des piquets.

Mais considérant l’importance des chemins de fer pour le transport de marchandises, ce lockout représentait un fusil placé sur la tempe du gouvernement.

C’est pourquoi les libéraux ont ordonné au CCRI d’imposer un arbitrage obligatoire. Et si les libéraux ont tenté de se laver les mains de la décision en la confiant à un tribunal soi-disant « indépendant », ne vous y trompez pas : le CCRI n’a fait qu’obéir aux ordres du gouvernement. La présidente du tribunal affirme que celui-ci n’avait « pas la possibilité ou la discrétion de refuser d’appliquer, en tout ou en partie, les directives du ministre ». 

Le résultat est que les travailleurs ont été privés de leur droit démocratique de grève. Alors que dans le passé, les libéraux auraient simplement imposé une loi de retour au travail, cette fois-ci, ils ont simplement choisi une voie plus tordue.

Les libéraux jouent aux équilibristes. En tant que parti capitaliste, ils doivent gouverner pour le compte de la bourgeoisie. Le seul problème est que cela provoque inévitablement la colère de la classe ouvrière. Alors que les libéraux sont en chute libre dans les sondages et que les travailleurs se montrent plus combatifs, les libéraux tentent d’avoir le beurre et l’argent du beurre, c’est-à-dire de plaire à la fois aux travailleurs et aux patrons. Mais ce n’est plus possible.

Trudeau a donc tenté de brimer le droit de grève… sans avoir l’air de brimer le droit de grève. En passant la patate chaude au CCRI, le gouvernement espérait éviter de prendre pleinement sa responsabilité pour cette décision. Mais derrière l’écran de fumée des détails techniques juridiques, les libéraux écrasent le droit de grève des travailleurs.

En réponse à la décision du gouvernement, les Teamsters ont annoncé qu’ils allaient lever les piquets de grève et contester la décision devant les tribunaux. Toutefois, la récente défaite des postiers devant la Cour supérieure de l’Ontario, après six ans de contestation judiciaire d’une loi de retour au travail, donne une bonne idée du résultat auquel les Teamsters peuvent s’attendre. Il n’y a aucune raison de penser que cette affaire judiciaire se déroulera différemment.

Les tribunaux capitalistes ont été conçus pour défendre les intérêts du système capitaliste. Alors que le système croule sous le poids de ses contradictions, toute marge de manœuvre se réduit comme peau de chagrin et les droits des travailleurs sont sur la sellette. Les travailleurs ne peuvent gagner qu’en combattant les lois injustes dans les rues et sur les piquets de grève.

S’ils avaient défié l’ordonnance du CCRI, les Teamsters auraient mis les patrons sur la défensive et forcé les libéraux à laisser tomber le masque et à s’attaquer ouvertement aux travailleurs. Dans ces conditions, les patrons auraient peut-être été forcés de faire des concessions sous la pression des milliers de compagnies qui dépendent du transport ferroviaire. Si nous ne défions pas ces décisions antidémocratiques, d’autres du même genre viendront.

Au bout du compte, nous voyons ici que les simagrées pro-travailleurs des libéraux sont de moins en moins tenables. Tandis que le capitalisme canadien s’enlise dans la crise, nous verrons davantage de luttes de classe irréconciliables, où tout le monde doit choisir son camp. Tôt ou tard, une véritable épreuve de force avec la classe ouvrière est inévitable. Elle pourrait même avoir lieu dès cet automne avec les postiers qui pourraient faire la grève dès le début du mois de novembre. Ce qu’il faut à la classe ouvrière, c’est un leadership prêt à mener la lutte jusqu’au bout.