Les nombreuses arrestations lors des manifestations en marge des festivités du Grand Prix enclenchent une nouvelle étape dans la répression policière de la grève étudiante qui dure depuis plus de 120 jours.
Durant les quatre jours de ces festivités, plus de 130 personnes ont été arrêté. Plus encore que le nombre, c’est la façon dont sont arrêtés les prévenus qui est problématique. Dans la seule journée de dimanche 34 personnes ont été interceptées et détenues pour la durée de la course et près d’une cinquantaine d’autres ont été refoulé au métro.
Ces « arrestations préventives » devenues fréquentes témoignent d’un accroissement de la répression envers un mouvement qui devient de plus en plus populaire. Depuis le début du conflit, les élites politiques tentent de stigmatiser les étudiants-es et de manière plus générale tous ceux et celles qui s’opposent aux hausses des droits de scolarité. Du discours démagogique, associant le carré rouge à la violence, nous sommes passés à la répression directe envers ceux et celles arborant ce symbole.
Tout au long des festivités les manifestants sont venus faire entendre leur mécontentement face à l’attitude du gouvernement en place. La contestation gagne de plus en plus de segment de la population alors que le gouvernement leur impose le bâillon par l’entremise de la loi 78, loi qui est dénoncée par la grande majorité de la population. La réaction brutale des policiers, n’hésitant pas à poivrer la foule composée de manifestants-es mais également de touristes a polarisé de nombreuses personnes qui n’hésitaient plus à huer les policiers et à entonner des slogans. Par deux fois au cours de cet évènement le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a fait appel à la Sûreté du Québec pour mâter les manifestations. Le centre-ville de Montréal avait des airs de guerre civile.
Dans les jours suivant l’évènement, des centaines de plaintes de harcèlement, d’arrestation arbitraire et de ciblage abusif ont été formulé par les membres à la Coalition large pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE). Ainsi la Ligue des droits et libertés du Québec et l’Association canadienne des libertés civiles dénoncent les « arrestations préventives » ayant eu lieu.
La CLASSE demande une enquête indépendante sur les agissements des agents policiers. Le chef du SPVM a dû se défendre publiquement d’avoir eu recours au profilage politique. Mais de nombreux témoignages (dont certaines vidéos) montrent que le profilage politique est courant, voir systémique dans le cadre du conflit. Ainsi, deux journalistes du quotidien Le Devoir, Catherine Lalonde et Raphaël Dallaire-Ferland, ont voulu vérifier si le profilage politique était réel en se faisant passer pour des étudiants arborant le carré rouge et ont réalisé un article sur leur arrestation et leur détention qui étaient manifestement arbitraire. Dans le cadre du conflit, ce sont également certains journalistes qui ont été arrêté pour des motifs plus ou moins clair. Ainsi, le journaliste de la station de télévision communautaire de l’Université Concordia, CUTV, a été arrêté le 4 avril, puis deux journalistes de La Presse le 13 avril.
Les « arrestations préventives » sont en fait des détentions arbitraires visant à neutraliser les potentiels manifestants-es et à instaurer une peur collective. L’effet recherché, au-delà d’une atteinte aux libertés fondamentales, est d’annihiler toute volonté de se prévaloir de son droit de manifester contre ce qui nous apparaît comme n’étant pas légitime. Nombreux sont les parallèles que nous pouvons faire avec la fameuse Crise d’Octobre 1970.
Pourquoi une telle répression?
La répression n’a jamais cessé depuis le début de la grève étudiante mais elle augmente sans cesse. L’explication pourrait-être qu’elle augmente à mesure que le conflit entraîne dans sa suite des sympathisants-es. En effet, de plus en plus de gens se solidarisent avec le mouvement qui, d’abord créé par les revendications étudiantes, devient de plus en plus un mouvement global de contestation.
Une telle répression témoigne de la peur du gouvernement face aux forces de changement que représente ce mouvement social. Depuis le début du conflit, les marxistes n’ont cessé de montrer le mouvement étudiant comme l’amorce d’un mouvement beaucoup plus large de contestation du système actuel. Nous voyons dès à présent ce mouvement à l’œuvre.
Cet évènement nous dévoile clairement la vraie nature de l’État qui n’hésite pas à mettre au service du capital sa force de répression afin d’assurer les intérêts des élites économiques et de maintenir l’ordre sociale. C’est lorsque les intérêts économiques des entreprises sont menacés que la force de répression est la plus vive.
Le Grand prix montre de façon limpide que le bien commun ne peut être pensé sans comprendre le conflit d’intérêt essentiel entre la majorité qui ne possède que ce qu’elle peut dépenser et la minorité qui prend tout. Les paroles d’un agent du SPVM relaté dans Le Devoir en disent long sur la vraie nature de cet évènement : « [a]ujourd’hui, c’est un lieu privé ouvert au public ». Nulle place pour la contestation politique dans le déroulement harmonieux du cirque marchand du Grand Prix.