Si Justin Trudeau et le Parti libéral sont bons à une chose, c’est à trébucher aveuglément d’un scandale à l’autre, en les gérant chacun plus mal que le précédent. Pensons à ses voyages bizarres en Inde, ses multiples cas de « blackface », la protection accordée à SNC-Lavalin et ses activités de corruption, les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite et la répression violente des défenseurs de la terre de Wet’suwet’en, pour n’en citer que quelques-uns. Le scandale UNIS n’est que le dernier d’une longue série de scandales de corruption où les libéraux ont fait passer le profit avant tout.
Le scandale entourant WE Charity, ou Mouvement UNIS en français, met en lumière les liens entre Trudeau, sa famille et l’organisation caritative. Celle-ci s’est vu attribuer un contrat de 19,5 millions de dollars le 25 juin dernier pour administrer les 912 millions de dollars de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant (BCBE) dans le cadre de la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants. Dans le passé, UNIS a versé 250 000 dollars à la mère de Trudeau, Margaret, pour avoir pris la parole lors de 28 événements, et 32 000 dollars à son frère Alexandre. Les paiements ont été effectués entre 2016 et 2020. La fille du ministre des Finances Bill Morneau travaille également pour UNIS, ce qui n’a pas empêché celui-ci de participer à l’étude du contrat.
UNIS avait engagé 465 travailleurs sous contrat pour distribuer les bourses, mais après avoir suscité l’indignation du public, l’organisation s’est retirée du contrat et a par conséquent licencié ses contractants. La mascarade a pris fin avant même d’avoir commencé, et nous nous retrouvons avec le même vieux « Je suis désolé » peu sincère auquel Justin Trudeau nous a tous habitués. Pourtant, personne n’est tenu pour responsable, rien ne change et la vie quotidienne des gens ordinaires continue de se dégrader d’heure en heure.
Mais l’arnaque est plus profonde, plus large et plus pernicieuse que du simple népotisme. En fait, l’histoire du Mouvement UNIS est parfaitement représentative de la conduite corrompue du Parti libéral.
UNIS : la quintessence de la charité capitaliste
L’organisation UNIS a ses tentacules partout dans le très rentable secteur caritatif. Elle a recours à des armées de bénévoles et à du personnel mal payé pour organiser ses rassemblements, ses événements, ses collectes de vêtements, etc. Le travail international de UNIS consiste notamment à fournir de l’eau potable et à soutenir l’accès à l’éducation. Elle dirige également « l’entreprise sociale » ME to WE, qui existe pour faire du profit.
Dans le monde de ces organisations caritatives, la question de savoir pourquoi des pays comme la République démocratique du Congo – qui dispose de ressources naturelles estimées à 24 000 milliards de dollars US – ont besoin de l’aide « d’organisations caritatives » comme UNIS n’est jamais posée. Personne ne remet non plus en question le fait que pour chaque dollar d’aide versé aux pays du Sud, 24 dollars sont retirés sous forme de paiement de la dette et de fuite de capitaux vers des paradis fiscaux.
Mis à part fournir des solutions artificielles, ces organisations caritatives fonctionnent comme n’importe quelle autre entreprise capitaliste. Elles sont magouilleuses, impitoyables, avides de profits et exploitent sans remords. Les journalistes de Canadaland ont beaucoup étudié les fondateurs de UNIS, les frères Kielburger, et la machine caritative qu’ils dirigent comme un tyran dirige son royaume. Pour ses reportages, Canadaland a reçu des avis de diffamation de la part des Kielburger et de l’organisation UNIS.
UNIS fonctionne en grande partie grâce à des bénévoles et du personnel faiblement rémunéré. Un ancien directeur de UNIS a déclaré à Canadaland : « C’est incroyablement toxique et déplacé, la façon dont ils traitent les jeunes ». Ceux-ci travaillent souvent 16 heures par jour avec des heures supplémentaires non rémunérées à un salaire proche du minimum. La culpabilisation et la peur sont couramment utilisées pour contrôler les travailleurs et écraser tout sentiment de dissidence. Un ancien employé a décrit le culte de la personnalité entourant Craig Kielburger en disant : « Il a une aura de Dieu. » Quatorze employés ayant également été interrogés ont décrit UNIS comme une secte ou un culte. Un ancien gestionnaire a déclaré que l’autre frère Kielburger, Marc, « a tellement de colère refoulée… qu’elle suinte de ses pores ». D’autres employés ont déclaré devoir travailler 60 heures par semaine avec des heures supplémentaires non rémunérées tout en ayant un deuxième ou un troisième emploi le week-end pour pouvoir arriver à joindre les deux bouts.
La BCBE que l’association caritative UNIS était censée gérée est tout aussi douteuse en matière de normes du travail que celles auxquelles UNIS assujettis ses bénévoles.
La BCBE est un programme qui donne aux étudiants 1000 dollars pour chaque 100 heures de bénévolat effectuées cet été dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Les étudiants peuvent gagner jusqu’à 5000 dollars pour 500 heures. Ce montant est nettement inférieur au salaire minimum, qui est d’au moins 11 dollars dans toutes les juridictions canadiennes et de 15 dollars en Alberta. La rémunération réelle est probablement encore plus faible puisque le décompte des heures est arrondi à la baisse. Ainsi, si vous avez travaillé 189 heures, vous ne percevrez que 1000 dollars, soit 5,21 dollars de l’heure.
Pour recevoir le bon de scolarité de 5000 dollars, il faudrait travailler près de 50 heures par semaine, car seules les heures qui suivent la fin du mois de juin sont comptées. Il est difficile de voir comment un étudiant pourrait accomplir toutes ces heures tout en subvenant à ses besoins. Selon toute vraisemblance, la BCBE sera un joli petit cadeau pour les étudiants nantis qui peuvent se permettre de passer tout leur temps à faire du bénévolat au lieu d’avoir à se soucier de comment payer pour l’épicerie et le loyer. Maclean’s estime que le coût de la vie et les frais de scolarité pour une seule année d’université au Canada s’élèvent à près de 20 000 dollars.
UNIS n’a été choisie pour ce contrat qu’après que Bénévoles Canada, un groupe national de bénévoles, ait refusé le contrat en déclarant qu’il se verrait forcé de payer les étudiants en dessous du salaire minimum, ce qui serait contraire à la loi. Son PDG a qualifié la BCBE de simple moyen d’embaucher des étudiants à un taux réduit.
Ces postes de bénévoles ressemblent beaucoup à des emplois professionnels, exigeant des compétences en traduction, en communication, en graphisme ou en programmation – des tâches qui devraient relever de la description de poste d’un employé éduqué à temps plein, plutôt que d’un bénévole occasionnel pendant l’été. Le député néo-démocrate Charlie Angus a déclaré avec raison que « les signes sont nombreux qu’il y a quelque chose qui cloche avec ce programme » et que le programme ne fait que pousser des étudiants désespérés de la classe ouvrière à travailler pour des « salaires de misère ».
Les étudiants sont surmenés, surchargés de travail et s’endettent de plus en plus pour tenter de se qualifier à des emplois inexistants dans des domaines qui n’embauchent pas. Ils ne devraient pas avoir à travailler 50 heures par semaine pour moins de 10 dollars de l’heure pour ne recevoir qu’une maigre bourse pour leurs frais de scolarité, qui devraient eux-mêmes être gratuits. Obtenir un bon de réduction de 25% en échange de 500 heures de travail au milieu d’une pandémie pour payer son éducation qui devrait elle-même être gratuite… voilà qui illustre parfaitement le programme des libéraux : de piètres miettes pour les travailleurs et des milliards pour les riches et les puissants.
Le capitalisme est corrompu
Comme nous l’avons expliqué, le scandale UNIS n’est que le dernier d’une longue série de scandales de corruption au Parti libéral. Même si ces scandales peuvent sembler être une série de dérapages sans rapport entre eux, ce ne sont pas des incidents isolés. Ces scandales sont emblématiques d’une élite politique corrompue habituée à gouverner sans le moindre égard pour les travailleurs.
Le vrai scandale ici n’est pas que les libéraux aient essayé de donner de l’argent à leurs riches amis. Ce n’est même pas que les Kielburger traitent leur organisation comme leur royaume et leurs employés comme des serfs. C’est que les libéraux utilisent une crise économique et sanitaire sans précédent pour s’attaquer à des étudiants vulnérables et désespérés dans le but d’obtenir de la main-d’oeuvre bon marché, et appellent cela une « bourse ». Les patrons savent que les étudiants sont prêts à travailler pour des miettes en ce moment. Cela aura des répercussions qui se feront sentir dans l’ensemble du mouvement ouvrier en exerçant une pression à la baisse massive sur les salaires. Comment peut-on rivaliser pour un emploi dans le domaine du graphisme si un étudiant peut faire le travail pour seulement cinq dollars de l’heure?
Les étudiants et les travailleurs ne devraient pas avoir à compter sur la charité. Ils font déjà le travail nécessaire pour faire tourner le monde chaque jour. Ils ne devraient pas tendre la main et attendre la bienveillance de telle ou telle organisation à but non lucratif. Le programme d’aide des libéraux – qui est déjà trop peu, trop tard – provient d’argent qui était le nôtre au départ. Les travailleurs produisent déjà plus qu’assez de richesses pour donner à chaque être humain une vie saine et épanouie, pandémie ou pas. Mais une grande partie de cette richesse est accaparée par une petite minorité sous forme de profits. Il faudra l’effort collectif de la classe ouvrière organisée pour se débarrasser des libéraux pour de bon et pour nous permettre de traverser cette pandémie sans causer plus de douleur et de souffrance aux travailleurs.