Le Conseil National Électoral n’avait pas encore proclamé les résultats des élections pour la Constituante, au Venezuela, que l’opposition de droite et les impérialistes occidentaux parlaient déjà de fraude massive et déclaraient ne pas reconnaître la nouvelle Assemblée. Depuis, ils font monter la pression de toutes parts, dans la continuité de l’offensive qu’ils mènent contre la Révolution bolivarienne depuis quatre mois.
Non seulement l’opposition a-t-elle boycotté le scrutin de dimanche, mais elle a même tenté de le saboter par des moyens violents. Elle a érigé des barricades pour empêcher les électeurs de se rendre aux urnes ; elle a attaqué – armes à la main – des bureaux de vote et détruit du matériel électoral, y compris des machines. Un membre de la Garde nationale a été assassiné à La Grita (Mérida) alors qu’il protégeait un bureau de vote. Des bombes artisanales ont visé les gardes nationaux. À la fin de la journée, on dénombrait 10 à 15 morts, dont un candidat à l’Assemblée constituante, à Bolivar.
Malgré cela, et parfois en réaction à cela, des millions de Vénézuéliens ont participé au scrutin. Dans le stade Poliedro de Caracas, des dizaines de milliers de personnes ont attendu des heures pour voter. Le stade avait été transformé en un immense bureau de vote à la disposition des électeurs des quartiers dominés par l’opposition, dans l’Est de Caracas, car il était dangereux de se rendre aux bureaux habituels de ces quartiers « tenus » par l’opposition. À Palo Gordo (Táchira), des partisans armés de l’opposition avaient menacé les électeurs, mais ces derniers se sont quand même mobilisés, traversant rivières et montagnes pour se rendre aux urnes. L’opposition a été particulièrement violente à Táchira, Mérida, Barquisimeto et dans l’Est de Caracas.
La couverture médiatique internationale de cette élection fut scandaleuse. Selon ces médias officiels, un président qui organise une élection ne peut être qu’un… dictateur. Par ailleurs, ils attribuent systématiquement au gouvernement les violences organisées par l’opposition.
Il est clair que les résultats du scrutin de dimanche ne mettront pas fin à l’offensive réactionnaire. Immédiatement, des gouvernements de droite d’Amérique latine, tout comme Washington et Madrid, ont annoncé qu’ils ne reconnaissaient pas ces élections. L’oligarchie vénézuélienne appelle à un nouveau cycle de mobilisations. Le président Trump a, pour la première fois, parlé de Maduro comme d’un « dictateur » – et l’a inclus dans la liste des officiels vénézuéliens sanctionnés par Washington.
Le mardi 1er août, l’opposition, qui contrôle l’Assemblée nationale, y a organisé une session spéciale. Elle a proclamé l’Assemblée constituante illégitime. Les ambassadeurs d’Espagne, de France, du Royaume-Uni et du Mexique ont participé à cette session parlementaire et se sont aussi réunis avec la direction de l’Assemblée nationale, ce qui est une provocation et un acte scandaleux d’ingérence impérialiste.
Ceci étant dit, l’opposition réactionnaire est divisée sur la tactique à suivre. Julio Borges, Ramos Allup et autres dirigeants bourgeois « à l’ancienne » voient bien que leur campagne ne se déroule pas comme ils l’espéraient. Ils redoutent qu’un renversement du gouvernement par la violence contre-révolutionnaire ne provoque une forte résistance des travailleurs et des paysans. Ils calculent aussi que si le gouvernement s’en sort, des élections régionales se tiendront en décembre. Or ils veulent y participer et l’ont annoncé.
Le scénario idéal pour eux serait de parvenir à un transfert du pouvoir négocié avec le gouvernement, avec un minimum de troubles. De leur côté, les États-Unis envoient des signaux contradictoires. Ils ont menacé le Venezuela de sanctions économiques « immédiates et sévères », mais les « sanctions » financières prises contre Maduro lui-même ont un caractère largement symbolique, car le président vénézuélien n’a pas d’actifs aux États-Unis. En réalité, derrière les menaces verbales, Washington redoute que des sanctions économiques rapprochent davantage le Venezuela de la Chine et de la Russie – et, surtout, qu’elles aient un impact négatif sur l’économie américaine elle-même. N’oublions pas que le Venezuela est le troisième fournisseur de pétrole aux États-Unis, si bien que des sanctions contre l’entreprise pétrolière vénézuélienne, la PDVSA, aurait un impact immédiat sur les entreprises américaines de raffinement. Après la déclaration de Trump, lundi, le secrétaire adjoint en charge de l’Amérique du Sud, Michael Fitzpatrick, a déclaré que les États-Unis veulent « dialoguer » avec le gouvernement de Maduro – et que même s’il considérait ce régime comme dictatorial, « nous respectons, à cette heure, le gouvernement officiel du Venezuela. »
De même, le secrétaire d’État américain Rex Tillerson semble vouloir laisser toutes les options ouvertes : « Notre approche face au Venezuela a été de tenter de travailler avec nos partenaires de la coalition, avec l’OEA ainsi qu’avec d’autres qui partagent notre vision pour l’avenir du Venezuela… Il est clair que nous voulons voir le Venezuela revenir à sa constitution, à ses élections prévues, et permettre au peuple vénézuélien d’avoir la voix gouvernementale qu’il mérite », a-t-il affirmé en conférence de presse. « Nous évaluons toutes nos options, y compris un « départ volontaire » de Maduro.
Ivre de ses succès, l’aile « dure » de l’opposition vise un changement de régime rapide. À l’Assemblée nationale, Maria Corina Machado a appelé de ses vœux la création d’institutions gouvernementales alternatives à tous les niveaux. Elle a déclaré que l’Assemblée nationale devait non seulement nommer un nouvelle Cour Suprême de Justice (ce qu’elle a fait la semaine dernière), mais aussi un nouveau Conseil National Électoral, de nouveaux ambassadeurs et un nouveau gouvernement national. Elle espère qu’ils seraient reconnus par les gouvernements impérialistes. Mais lorsque ces propositions ont été présentées par Freddy Guevara à l’Assemblée nationale, lundi, le dirigeant oppositionnel Ramos Allup (AD) lui a immédiatement répondu que ce plan était irresponsable. Il a souligné, notamment, que les membres de la Cour Suprême de Justice alternative nommés par l’Assemblée nationale, la semaine dernière, avaient été arrêtés ou avaient trouvé refuge dans l’Ambassade chilienne. Et l’Assemblée nationale n’avait rien pu faire. En dernière analyse, une contre-révolution doit prendre le contrôle des hommes en armes de l’appareil d’État – et l’opposition réactionnaire n’y est pas encore parvenue.
Malgré ses menaces de la semaine dernière, le fait est que l’opposition n’a pas été capable de mobiliser beaucoup de monde dans les rues, précisément du fait des messages contradictoires envoyés par ses dirigeants. Tout en faisant de grandes déclarations martiales, des dirigeants de l’opposition étaient engagés dans des négociations secrètes avec le gouvernement, sous la médiation de Zapatero, l’ancien chef d’État espagnol. Les termes de ces négociations portaient sur l’agenda électoral – des élections régionales cette année, une présidentielle en 2018 – et la restitution de tous ses pouvoirs à l’Assemblée nationale.
Pendant ce temps, le gouvernement de Maduro ne propose rien d’autre que des négociations avec l’opposition – et de nouvelles concessions aux capitalistes. Or l’Assemblée constituante n’a de sens que si elle prend des mesures décisives pour résoudre la crise actuelle, qui s’enracine dans la profonde dépression économique. Il n’est possible d’avancer que sur la base d’un programme révolutionnaire clair. La gauche de l’Assemblée constituante devrait proposer les mesures suivantes :
– Transférer tout le pouvoir à l’Assemblée constituante.
– Instaurer le monopole d’État du commerce extérieur.
– Répudier la dette étrangère, de façon à ce que l’argent soit utilisé pour importer de la nourriture et d’autres biens de première nécessité.
– Exproprier POLAR et l’ensemble de la chaîne de production et de distribution de nourriture, sous le contrôle démocratique des travailleurs et des paysans.
– Geler immédiatement les prix et procéder à une augmentation générale des salaires.
– Exproprier les banques privées et les multinationales.
– Planifier la production dans le but de satisfaire les besoins du peuple.
– Arrêter tous les dirigeants responsables de la violence contre-révolutionnaire, qu’il s’agisse de politiciens de l’opposition ou de leurs financiers. Ils doivent être jugés par des tribunaux révolutionnaires.
– Arrêter tous les officiels coupables de corruption et confisquer tous les actifs illégalement acquis.
– Instaurer le contrôle ouvrier dans toutes les entreprises publiques et institutions de l’État, de façon à combattre le bureaucratisme.
Un tel programme stimulerait l’enthousiasme des masses, car il s’attaquerait à la source des problèmes économiques – et notamment à la pénurie de denrées de première nécessité. Ce programme devrait être soutenu activement par l’organisation révolutionnaire et l’armement du peuple dans les quartiers pauvres et ouvriers, suivant l’exemple des Brigades de Défense Populaires. De même, il faut pleinement mobiliser la réserve des Forces Armées Bolivariennes et lier étroitement ses rangs à ceux des travailleurs et des paysans en armes.
La contre-révolution ne peut être combattue que par des moyens révolutionnaires. Les travailleurs et les paysans ne peuvent compter que sur leurs propres forces. Pour défendre les conquêtes de la révolution bolivarienne, il faut exproprier l’oligarchie.