L’oligarchie vénézuélienne a réagi avec fureur. Le journal d’opposition Tal Cual a écrit, en « une » : « Vers une dictature ». El Universala comparé Chavez à Hitler et Mussolini. Les impérialistes américains nesont pas en reste. Philip Crowley, porte-parole du Département d’Etataméricain, a déclaré que cette loi d’habilitation « inquiète » son gouvernement, qui y voit une « atteinte à la volonté du peuple vénézuélien ». Une dépêche de l’agence Reuters affirme que « les banquiers et propriétaires se préparent à subir une nouvelle vague de nationalisations ».
Offensive contre les latifundia
La classe capitaliste craint de perdre ses propriétés et lesprivilèges qui vont avec. Cette crainte est fondée. Chavez a déjà prisdes mesures contre les spéculateurs dans le secteur du logement, ennationalisant des entreprises de construction qui escroquaient des gens.Chavez a également pris des mesures contre 47 propriétaires terriensqui possédaient d’immenses terres dans le sud-ouest du pays. Cela faitpartie d’une nouvelle offensive de la Réforme Agraire, qui jusqu’alorsn’a redistribué que 3 millions d’hectares, sachant que dans la plupartdes cas il s’agissait d’une reconnaissance formelle de rapports depropriété existant. Les organisations paysannes, dont le Front EzequielZamora, ont demandé une accélération de la lutte contre les latifundia, dans le but de réduire la dépendance du Venezuela à l’égard des importations de nourriture.
Ces nouvelles expropriations ont rencontré la résistance despropriétaires terriens, qui ont notamment organisé des barrages dans levillage de Santa Barbara. Ces actions sont soutenues par des dirigeantsde l’opposition tels que le député Abelardo Díaz, qui a appelé lesmanifestants à bloquer l’autoroute pan-américaine, afin « d’envoyer un message au Président ». Hermann Escarrá – une autre figure de l’opposition – a appelé à une « grève illimitée » et à descendre dans la rue pour « manifester une résistance civile et militaire ». Le député Miguel Ángel Rodríguez en appelle à un « soulèvement populaire » contre les nouvelles expropriations.
A ce jour, il n’y a eu que des accrochages mineurs entre lespropriétaires terriens et les soldats que le gouvernement a envoyés pourprotéger les terres expropriées. Mais on peut s’attendre à de nouveauxactes de sabotage et de violence, comme ce fut le cas lors desexpropriations de 2003.
L’opposition a appelé à une nouvelle marche pour « défendre lapropriété privée », le 23 janvier prochain. Elle fera tout pour rallierles forces de la réaction et créer une situation de chaos etd’insécurité, à tous les niveaux de la société. Le nouveau Parlement seréunira le 5 janvier. La contre-révolution, qui y détient environ 40%des sièges, combinera probablement les actions parlementaires, légales,avec une agitation extra-parlementaire et violente.
Sanitarios Maracay
Chavez a également décrété l’expropriation de Sanitarios Maracay etAlven, deux usines de l’Etat d’Aragua. C’est une victoire pour lestravailleurs. Les ouvriers de Sanitarios Maracay avaient occupé l’usinedès 2006, lors d’un conflit avec l’employeur sur des questions de santéet de sécurité. Face au sabotage patronal, ils ont commencé à produiresous contrôle ouvrier et ont demandé l’expropriation de l’usine. Chavez aexpliqué que les usines d’Alven et de Sanitarios Maracay ont étéruinées par le capitalisme et qu’elles devraient être réactivées etintégrées au plan d’urgence de construction de logements (SanitariosMaracay produit des sanitaires et Alven des portes et des fenêtres).
De fait, les dégâts provoqués par les pluies torrentielles ont étéaggravés par le capitalisme, qui a forcé des centaines de milliers deVénézuéliens à vivre dans des masures et des logements mal construits,sur les collines de Caracas et d’autres villes. Ce problème ne peut êtrerésolu que par une intervention de l’Etat et une planification del’économie. Toute l’industrie du logement devrait être nationalisée etplacée sous le contrôle des salariés. Les entreprises Sidor et Sidetur(poutres et barres d’acier), l’industrie du ciment et l’entreprise Inaf(matériaux de plomberie) ont déjà été nationalisés. Mais lesentreprises de construction sont toujours dans des mains privées, alorsque ce secteur est connu pour ses pratiques mafieuses, sa corruption,etc. Elles devraient être nationalisées pour satisfaire les besoins dupeuple – et non plus les profits d’une minorité.
Face aux problèmes de bureaucratie et de sabotage, comme par exempledans les entreprises de ciment récemment nationalisées, il fautintroduire le contrôle ouvrier de la production et organiser l’électionde délégués ouvriers dans chaque usine, qui formeront un large conseilouvrier de cette industrie. Il devrait joindre ses forces à celles desorganisations de locataires, des conseils communaux et du gouvernementnational pour coordonner un plan d’urgence de construction de logements.Pour financer un tel plan, les banques et les compagnies d’assurancedevaient être nationalisées.
Pour un plan socialiste de production
Cette loi d’habilitation est un grand pas en avant, dans la situationactuelle. Elle coupe court à toutes les excuses légales des réformistesqui ne veulent pas mener la révolution à son terme. C’est pour cela queles masses bolivariennes la soutiennent : elles y voient un instrumentdans la lutte des classes. Le Front Ezequiel Zamora a d’ores et déjàdéclaré son soutien total à cette loi.
Cela dit, il faut souligner qu’en elle-même, cette loi d’habilitationn’est pas la garantie d’un changement révolutionnaire. En 2007, l’annéeavait commencé par une loi d’habilitation, mais le gouvernement l’avaitinsuffisamment utilisée. Moins de 12 mois plus tard, l’opposition avaitréussi à remporter une courte victoire lors du référendum sur laRéforme Constitutionnelle. Si, cette fois-ci, la loi d’habilitationn’est pas utilisée pour s’en prendre sérieusement au capitalisme, celagénèrera une énorme déception dans la masse des travailleurs, despaysans et des pauvres.
Il est clair que la pression d’en bas a joué un rôle clé dans cettedécision de Chavez. Il a récemment expliqué avoir écouté les demandes etaspirations des milliers de personnes qui vivent dans des camps deréfugiés, à la suite des inondations. Par ailleurs, il y a eu récemmentdes manifestations de paysans et de travailleurs demandant uneradicalisation de la révolution.
La loi d’habilitation doit être rapidement utilisée dans le but denationaliser les banques, l’industrie, le secteur agro-alimentaire et laterre. Il faut un plan socialiste de construction de logements etd’infrastructures. De même, un décret légalisant les comités d’usine etgénéralisant le contrôle ouvrier de la production rencontrerait uneréponse enthousiaste de la classe ouvrière, qui prendrait l’initiatived’occuper les usines et mettrait un terme au sabotage patronal.