Dans la soirée du mardi 25 novembre, trois dirigeants syndicaux ont été assassinés à Aragua, au Venezuela. Richard Gallardo, secrétaire de l’UNT dans l’Etat d’Aragua, Luis Hernandez, secrétaire du syndicat des travailleurs de Pepsi-Cola, et Carlos Requena regagnaient leur véhicule, après avoir mangé dans un restaurant de La Encrucijada, lorsqu’un homme à moto a fait feu sur les syndicalistes. Tous trois venaient de passer leur journée à soutenir la lutte de 400 travailleurs de l’usine colombienne Alpina.
Les travailleurs ont occupé l’usine Alpina, exigé le paiement de leurs salaires et lutté contre la tentative des dirigeants de la multinationale de fermer cette usine. Le matin même, ils avaient été brutalement réprimés par la police régionale. Les trois syndicalistes avaient mobilisé les travailleurs d’autres usines, dans la localité, qui ont permis aux salariés d’Alpina de reprendre le contrôle des installations. Ils ont demandé la nationalisation de l’usine, sous contrôle ouvrier.
L’actuel gouverneur régional d’Aragua, Didalco Bolivar, avait été élu sur une liste pro-Chavez, en 2004, avant de passer à l’opposition, en même temps que son parti Podemos, lors de la campagne pour le référendum constitutionnel de 2007. Il a des liens étroits avec les capitalistes locaux et, pour défendre leurs intérêts, a systématiquement recouru à la répression policière contre les travailleurs, comme par exemple lors de la mobilisation des ouvriers de Sanitarios Maracay, en avril 2007.
Le mode opératoire de l’assassinat est le même que celui utilisé par les paramilitaires à la solde des patrons, en Colombie, pour assassiner et intimider des syndicalistes et des militants ouvriers. Des paramilitaires colombiens liés à l’oligarchie vénézuélienne sont d’ailleurs présents depuis plusieurs années, sur le territoire vénézuélien.
Dès qu’elle a appris la nouvelle, l’UNT d’Aragua a immédiatement appelé à une journée de protestation dans toutes les entreprises et usines. Des milliers de travailleurs ont cessé le travail et sont descendus dans la rue, l’après-midi du vendredi 28 novembre. Ils étaient également des milliers à participer à la marche organisée pour les funérailles, le samedi. Des routes ont aussi été bloquées à Aragua et Carabobo.
Lors d’un meeting, Orlando Chirino, coordinateur national de l’UNT, a appelé les travailleurs à répondre à toutes les menaces du patronat en « occupant les usines et en demandant leur expropriation par le gouvernement » – un mot d’ordre que nos camarades vénézuéliens du Courant Marxiste Révolutionnaire défendent depuis des années, et qu’ils réitèrent à cette occasion.
La Tendance Marxiste Internationale condamne ces assassinats de dirigeants syndicaux dont le seul crime fut de défendre les intérêts de la classe ouvrière contre les intimidations et le terrorisme des capitalistes. Nous tenons à exprimer notre solidarité aux familles, aux amis et aux camarades de Richard Gallardo, Luis Hernandez et Carlos Requena. Nous en appelons au mouvement ouvrier international pour qu’il se mobilise contre ces assassinats politiques et réclame que ses auteurs soient traduits devant la justice.
Les intimidations de l’opposition
Ces assassinats ont eu lieu dans le contexte d’une vague de provocations et d’intimidations de la part des gangs réactionnaires, dans les Etats ou dans les municipalités remportées par l’opposition lors des élections locales du 23 novembre dernier. Comme nous l’avons expliqué à plusieurs reprises, l’oligarchie vénézuélienne ne s’est concentrée sur le front électoral que dans la mesure où le rapport de force n’est pas favorable à une nouvelle tentative de coup d’Etat, à ce stade. Mais dès qu’elle parviendra à conquérir des positions de pouvoir, l’opposition jettera son masque « démocratique » et montrera son vrai visage réactionnaire. Et c’est ce qui est déjà en train de se produire, dans une certaine mesure.
De nombreuses sources font état d’attaques menées par des gangs réactionnaires contre des docteurs cubains, des radios alternatives, des bénéficiaires des programmes éducatifs ou de santé (misiones), des bâtiments utilisés par des conseils communaux et autres organisations révolutionnaires, etc. C’est particulièrement le cas à Miranda, Carabobo, Táchira – trois Etats où l’opposition a remporté les élections – et dans des villes où l’opposition a remporté le conseil municipal, comme par exemple Maracaibo.
Dans un discours, le dimanche 30 novembre, le président Chavez a cité plusieurs cas d’attaques. Il a notamment lu une longue liste d’attaques ou de menaces contre des cliniques et centres éducatifs. En voici quelques unes :
- Une clinique du programme de santé Barrio Adentro a été incendiée à Los Taladros (Valencia), dans l’Etat de Carabobo.
- A Tachira, des étudiants des misiones ont été expulsés des bâtiments municipaux.
- A Miranda, il y a eu des attaques et des menaces contre le site universitaire UNEFA.
- A Los Teques, il y a eu des menaces contre la radio « La Voz de Guaicaipuro ».
- A Miranda, une clinique a également été menacée et a dû être protégée par la police.
- A Puerto Cabello (Carabobo), des partisans du nouveau gouverneur, Salas Feo, ont menacé des docteurs cubains et des cliniques du programme « Barrio Adentro ».
- A Guaicaipuro (Miranda), 10 docteurs cubains ont été expulsés de leurs logements municipaux.
Cette liste est loin d’être exhaustive.
Des milliers de travailleurs, d’étudiants et de pauvres ont déjà manifesté, à Los Teques, vendredi, pour défendre les misiones contre ces attaques contre-révolutionnaires (voir les images et vidéos ici : http://www.radiomundial.com.ve/yvke/noticia.php?15457). Les provocations des gangs de l’opposition pourraient déboucher sur une radicalisation du mouvement révolutionnaire. La révolution a parfois besoin du fouet de la contre-révolution, pour avancer.
Dans son discours, dimanche, Chavez a cité Karl Marx et expliqué : « ce à quoi nous assistons, au Venezuela, c’est une expression de la lutte des classes, les pauvres contre les riches, les riches contre les pauvres. » Il a ajouté que ces attaques « ne sont qu’une indication de ce qui se passerait si ces partis d’opposition contre-révolutionnaires prenaient le pouvoir au Venezuela. » Chavez a appelé le peuple à la « mobilisation permanente face à la contre-révolution ».
Armer les travailleurs ! Exproprier l’oligarchie !
Ces discours doivent se traduire dans des actes. Puisqu’il s’agit d’une lutte des classes, le seul moyen de la conclure est d’arracher le pouvoir économique et politique des mains de l’oligarchie (les capitalistes, les propriétaires terriens et les banquiers). L’assassinat des trois dirigeants syndicaux montre de quoi les patrons sont capables pour défendre leurs intérêts, leur pouvoir et leurs privilèges. Ces crimes ne sont pas des actes isolés. Ces dix dernières années, plus de 100 militants paysans ont été assassinés au cours de leur lutte pour la réforme agraire. D’autres militants révolutionnaires ont été tués dans les villes et les campagnes. Et pourtant, personne n’a été arrêté et jugé. Ceux qui ont organisé le coup d’Etat d’avril 2002 et le lock-out patronal de la même année sont toujours libres de leurs mouvements, libres de comploter contre la révolution et la volonté démocratique du peuple. Certains d’entre eux ont même été candidats aux élections locales du 23 novembre dernier – et plusieurs ont été élus !
Comme l’expliquent, sur place, nos camarades du Courant Marxiste Révolutionnaire – mais aussi, désormais, l’UNT d’Aragua –, les travailleurs doivent organiser leur auto-défense. Lorsque Chavez avait appelé chaque homme et chaque femme du peuple à apprendre à se servir d’une arme pour défendre la révolution, aucune des différentes fractions de la direction de l’UNT ne s’était saisie de cet appel pour le mettre en œuvre dans les usines. Désormais, c’est une tâche urgente.
Dans l’usine Inveval (qui est sous contrôle ouvrier), les travailleurs ont déjà mis sur pied une unité de l’armée de réserve, et prévoient d’établir une garde permanente pour se défendre contre d’éventuelles attaques. C’est d’autant plus important que l’usine Inveval se situe à Los Teques (Miranda), dont le nouveau gouverneur régional, le réactionnaire Capriles Radonsky, avait organisé l’assaut contre l’ambassade de Cuba, lors du coup d’Etat d’avril 2002.
L’initiative des salariés d’Inveval doit être généralisée à l’ensemble des usines et des entreprises du pays. Les travailleurs doivent organiser leur propre défense : personne ne le fera à leur place. La direction de l’UNT doit mobiliser la classe ouvrière pour l’occupation des usines et revendiquer l’expropriation, sous le contrôle des salariés, des principaux leviers de l’économie qui sont encore entre les mains des capitalistes. C’est la seule garantie de la victoire de la révolution. Il n’y a pas de temps à perdre !