Ça ne devrait pas être étonnant – bien que plusieurs dans la communauté étudiante aient été brusquement réveillés – que les libéraux québecois (PLQ) font encore monter les frais de scolarité. Le montant exacte de l’augmentation reste inconnu, mais des rumeurs laissent entendre une volonté de rejoindre la moyenne canadienne. De plus, un document publié par la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ) en novembre déclare que les frais de scolarités universitaires devraient être ajustés à $3 680 par an pour 2014. Ceci est supposé commencer en 2012, quand l’augmentation de $100/an des frais universitaires commencée en 2007 se terminera.
L’intention du gouvernement n’est peut-être pas de chercher consciemment à limiter l’accès à l’enseignement supérieur, mais c’est tout de même le résultat final d’une pareille augmentation des frais. Selon des données publiés par le Ministère de l’éducation, du loisir et du sport, approximativement 22 000 personnes seront affectés si les frais de scolarités sont montés à la moyenne canadienne, soit de $5 000 par an pour les universitaires de première année ($3 000 au-dessus de la moyenne présente au Québec). La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) a publié un document donnant des munitions statistiques pour vaincre les allégations selon lesquelles les étudiants combattant pour l’accès libre à l’éducation sont des « enfants gâtés ». Au total, 12 619 étudiants ont été sondés. « 50 % des étudiants inscrits à temps plein vivent avec moins de 12 200 $ par année, 25 % avec moins de 7 400 $ », indique Louis-Philippe Savoie, président de la FEUQ. « Et ces données comprennent les montants reçus en prêts de l’Aide financière aux études. Imaginez l’effet désastreux qu’aurait la hausse des frais de scolarité du gouvernement Charest sur ceux-ci ». Ces chiffres indiquent clairement une vie sous la seuil de pauvreté.
Au Québec, nous avons un système d’enseignement supérieur comparativement accessible, qui a historiquement eu les plus bas frais de scolarité en Amérique du nord. Ceci est grâce à nos forts mouvements étudiants et ouvriers ayant des traditions de lutter contre les coupures dans l’éducation, une capacité à mobiliser les élèves pour augmenter le financement et l’accessibilité de l’éducation. Ces combats ont forcé de nombreux gouvernements à faire des gels des frais de scolarité pendant de longue périodes, permettant aux enfants venant de familles plus pauvres d’avoir la chance de bénéficier d’une bonne éducation pour améliorer leur conditions de vie en obtenant des emplois plus qualifiés et payants.
Mais, pour plusieurs, cette tâche était difficile puisque le travailleur moyen est forcé de travailler de plus en plus pour se faire payer de moins en moins. En même temps, le gouvernement coupe l’éducation, les soins de santé, les services sociaux, etc., ce qui augmente le coût de la vie pour ces ouvriers qui se font exploiter davantage pour assurer les profits de leurs patrons.
Il semble que le patronat n’a jamais honte, puisque en fait c’est la classe dirigeante qui sont des « enfants gâtés ». Ces faits sont illustrés dans l’étude publiée par l’Institut de recherche et d’information socio-économiques (IRIS) et le Centre canadien pour des alternatives de politique (CCPA) en mai 2010, intitulé Qui s’enrichit, qui s’appauvrit – 1976-2006. Le document dévoile que les 10% plus riches familles québecois ont travaillé en moyenne 6,5 semaine de moins par an durant les 30 années étudiés et ont augumenté leurs revenues de 24%. D’autre part, la moitié la plus pauvre des familles au Québec ont vu leur revenu chuter de 10%, même s’ils ont travaillé 14,6 semaines de plus en 2006 qu’en 1976.
Même si les statistiques démontrent sans aucun doute que la hausse des frais de scolarité va rendre l’université moins accessible pour les familles ouvrières et pauvres, le PLQ, les gens d’affaires ainsi que les recteurs d’université continuent à faire avancer leur plan. Bien évidement l’Action démocratique du Québec (ADQ) sera content de laisser aller le projet libéral sans obstruction et l’insouciance du Parti Québecois (PQ) envers la question montre, encore une fois, qu’il n’est qu’un parti en défence du privilège.
La dernière réunion s’attaquant au problème était celle du 6 décembre au Hilton de Québec où la ministre de l’éducation Lyne Beauchamp et le ministre des finances Raymond Bachand ont rencontré leurs « partenaires en éducation », les milieux d’affaires et les recteurs d’université. Ensembles, ils ont exprimé la nécessité de la contribution de tout le monde, soit les étudiants, les contribuables et le secteur privé, vers l’éducation. Cependant, le secteur privé n’a qu’à contribuer sur une base volontaire, tel un philanthrope.
À cette rencontre, il était clair pour les membres de l’Alliance Sociale invités, des syndicalistes et des fédérations étudiantes, qui ont fini par quitter en plein milieu, qu’il y avait déjà un consensus que les frais de scolarité devaient être augmentés. Ça ne devrait pas être trop surprenant puisque le consensus a déjà été publiquement déclaré par la ministre de l’éducation en février 2010; « Je pense qu’il y a un consensus [à auguementer les frais de scolarité] qui est en train de se mettre en place au Québec. Quand je parle de consensus, j’exclus les étudiants. » La réunion à Québec était évidemment une farce tenue seulement pour donner une semblance de démocratie à ce qui est clairement une dictature des intérêts des grandes entreprises.
Les étudiants ne vont pas rester tranquille en attendant que tout cela arrive. L’association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) et FEUQ/FECQ ont convoqué une manifestation pour la journée de la réunion à Québec. À la manifestation il y avait plusieurs milliers d’étudiants ainsi que des ouvriers mobilisés par leurs syndicats en solidarité avec eux. De plus, 60 000 étudiants étaient en grève dans le cadre d’une grève de trois jours organisée par l’ASSÉ. C’était un bon début à ce qui doit devenir une résistance intense et bien organisée face à l’assaut contre nos conditions de vie. L’ASSÉ a clairement montré que les plans du gouvernement pour faire payer les étudiants ne vont pas passer.
La force du mouvement étudiant ne doit pas être sous-estimée. Il y a moins de six ans que les transferts du gouvernement Charest de $103 millions des bourses aux prêts a été arrêté grâce à une mobilisation massive d’étudiants. La mobilisation, menée par l’ASSÉ comprenait environ 250 000 élèves en grève à son plus fort. Bien que c’était une victoire, elle était amer. La FEUQ et la FECQ sont entrées en négotiation avec le gouvernement sans la Coalition de l’association pour une solidarité syndicale étudiante (CASSÉ), qui était une coalition formé par ASSÉ et d’autres syndicats étudiantes sous la FEUQ/FECQ. Ces syndicats étaient irrités par la réticence initiale de leurs dirigeants syndicaux à agir en défense de leurs intérêts. Excluant l’ASSÉ, les dirigeants de la FEUQ et de la FECQ ont négocié une entente qui voyaient les transferts inversés. Cependant, les $103 millions n’ont qu’été remis aux bourses après que la majorité des étudiants qui ont milité dans le mouvement aient gradué depuis longtemps.
Même si cette mobilisation montre la grande force potentielle des étudiants, elle nous fait voir aussi sa plus grande faiblesse – la division dans le mouvement. Si les étudiants restent divisés dans deux camps hostiles, avec l’ASSÉ d’un bord et la FEUQ/FECQ de l’autre, le gouvernement pourra beaucoup plus facilement faire monter les frais de scolarité à des niveaux inouïs. Nous l’avons vu en 2007 quand la grêve de l’ASSÉ est tombée en défaite puisqu’elle a juré de ne pas travailler avec la FEUQ et la FECQ après leur trahison de 2005. En même temps la FEUQ et la FECQ n’offraient pas une résistance sérieuse à l’augmentation de $500 des frais de scolarité commencée en 2007.
Les attaques du gouvernement pourront finir par forcer les étudiants vers une grève générale étudiante – et ignorer cette possibilité serait naïf. Cependant, pour le moment il reste à voir de plus grosses manifestations. Si les syndicats étudiants peuvent se réunir sur un projet commun de résistance contre l’augmentation des frais; s’ils peuvent travailler ensemble pour éduquer et mobiliser les étudiants, tout en utilisant une démocratie de base pour s’assurer que les décisions principales du mouvement étudiant sont fait par les étudiants eux-mêmes, les résultats pourront être similaires aux victoires passées.
Il faut aussi que les effets de la crise économique soient clairs. Les raisons derrière les coupures et les attaques du gouvernement ne reposent pas dans le « néo-libéralisme » ou une idéologie quelconque. La crise capitaliste a forcé le gouvernement à s’endetter pour renflouer les banques et les autres grandes entreprises, pour sauver le système économique. Maintenant, ces dettes sont imposées aux ouvriers et à la jeunesse. Ce que ça veut dire pour les mouvements ouvriers et étudiants au Québec c’est que la plus grande lutte va être de simplement défendre notre niveau de vie actuel, et il n’est pas question de gagner des bénéfices et des réformes pour le moment. Toute faiblesse ou vacillation de la part des dirigeants ouvriers et étudiants vont apporter encore plus d’attaques et de coupures du gouvernement et du patronat.
Les étudiants ne sont pas seuls dans cette lutte. Les coupures en éducation font partie d’une attaque générale contre niveau de vie et elle doit être combattue par ouvriers et étudiants ensembles. Autrefois, l’unité entre les travailleurs et les étudiants a aidé dans la lutte. C’était grandement le mouvement ouvrier qui s’est battu pour et a gagné le système CÉGEP au Québec pour une éducation collégiale et technique gratuite. Nous l’avons vu plusieurs fois avec les syndicats qui viennent soutenir les étudiants dans leur Combat. Dans le début du mois de décembre, la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) a fait passer une résolution durant leur congrès en faveur de mettre la gratuité scolaire à l’avant de leurs interventions publiques. Ils ont expliqué que c’était la position du syndicat il y a plus de 50 ans. C’est une bonne tendance qui devrait continuer et unir les organisations ouvrières et étudiantes dans leur lutte commune contre les attaques.
Les étudiants doivent aussi créer une voie politique pour se battre pour leurs intérêts. Québec solidaire (QS) est le seul parti à l’assemblée nationale qui s’oppose au budget proposé par les Libéraux. L’an passé, ils ont lancé une campagne pour la gratuité scolaire, de la pré-maternel à l’université, intitulé « Vrai ou faux? » (www.vraioufaux.org) faisant d’eux le seul parti politique au Québec à défendre l’éducation gratuite.
Il ne suffira pas de simplement combattre tel ou tel attaque par le parti capitaliste qui se trouve à avoir la majorité à l’Assemblé nationale. Surtout étant donné la situation économique, les partis capitalistes vont pousser de leur mieux pour davantage de coupures. L’histoire montre que les étudiants et les ouvriers ont besoin de leur propre parti politique, contrôlé par eux et utilisé pour lutter pour leurs intérêts. Le Front commun de 1972 a fait reculer le capitalisme québécois en leur forçant à faire des concessions importantes qui nous ont donné une vie meilleure jusqu’à maintenant. Mais, comme nous avons vu, le système capitaliste entier reviendra toujours pour reprendre ce qu’il a perdu et nous le fera payer cher.
La seule façon d’arrêter tout ça est de nous organiser et de se battre pour le socialisme. Sous le capitalisme, la seule issue possible pour l’avenir est un recul de notre niveau de vie. Ce n’est plus possible de gagner des réformes. Ce qui veut dire qu’il faut chercher des solutions socialistes à ce système inhumain. C’est nous qui créons les richesses du monde. Mais le contrôle d’elles se trouve entre les mauvaises mains. Sous le capitalisme, nous sommes marginalisés, essayant de balancer nos budgets, pendant que les PDG se donnent des bonus massifs pour avoir « restauré la profitabilité ». Seule une perspective socialiste peut protéger notre niveau de vie et conquérir de nouvelles victoires.